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Sybille de Bollardière

Comme un château de sable

15 Août 2010, 18:16pm

Publié par Sybille de Bollardiere

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Saint Guilhem du Désert, août 2010

 

Elle avait décidé que ce serait son dernier voyage et j’ai proposé de l’accompagner. Comme on trace les contours d’un château de sable, nous avons dessiné notre route, prévu nos haltes en nous réjouissant à l’avance de chaque paysage retrouvé mais aussi de ceux que nous allions redécouvrir ensemble. L’accompagner c’est ce que je pouvais lui offrir de mieux pour effacer ou diminuer, l’espace d’un été, les marques de l’âge, la souffrance, mais aussi la solitude. Il fallait vaincre son immobilité et cet inévitable isolement qui l’accompagne irrémédiablement.

Elle avait choisi le sud pour le bleu miraculeux qui fait si cruellement défaut à son ciel quotidien mais aussi pour retrouver l’ami aussi cher qu’ancien qui l’avait accompagnée dans d’autres voyages. L’Auvergne fut, l’espace d’une nuit, la première marche gravie de ce temps suspendu. Gémissante de fatigue dans cette vallée de chênes verts parcourue de rivières, elle s’accrocha à l’idée de ce sud salvateur, à l’amitié qui l’attendait.

 Comme toujours « Il » était là, et si le bonheur de le retrouver fut intact, la tramontane balaya en quelques heures l’illusion du temps retrouvé. Comme un château de sable face au vent, le corps subit le temps. Elle retrouva sous le ciel azuréen l’immobilité, la gène d’être dans son grand âge, l’ombre défaite de ce qu’elle avait été.

 Mais l’amitié était là, se conjuguait au passé en repassant leurs émois dans la fidélité du retour au même. Il fut question d’Hammamet, le sud encore, dans les années 70, 80.

 Je n’étais qu’un regard, l’appui de sa détresse mais je l’ai vue heureuse, d’abord timidement, puis dans ses sourires, heureuse tout simplement de l’avoir fait ce voyage, d’être allée au bout de son rêve pour retrouver « l’ami » oui, l’ami, celui que chacun se souhaite et qui m’amène aujourd’hui à me demander qu’est-ce que l’amitié et qu’est-ce qu’elle n’est pas ?

Elle est je crois, aussi présente que muette, posée sur les années, les paysages, toute de bienveillance. Elle est sourire et calme sans tapage, sans désir, ni rien de ce qui encombre le sentiment amoureux ou cet extravagant amour que certains ont pour eux-mêmes. L’amitié est le don immense du temps qui passe, fidèle dans la douceur, le rire parfois, la complicité le plus souvent, « elle est » tout simplement, comme la plage après la vague et peut importe ce que le temps inflige à nos châteaux de sable.

A Jean-Claude