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Sybille de Bollardière

Une journée ordinaire de Guy Moquet à Montparnasse

30 Mai 2013, 22:50pm

Publié par Sybille de Bollardiere

 

Images 8177

A l’heure de pointe ce matin, pendant qu’un astéroïde s’apprêtait à frôler la planète, j’ai voyagé en sous-sol sur la ligne 13, le dernier wagon en compagnie d’un insensé bouquet de pivoines roses.

Elle est montée à Guy Moquet, exotique et fluide comme le parfum de ses fleurs qu’elle tenait précieusement en dépit de la foule et de l’écrasement. Quelle provocation ce bonheur olfactif, cet éclat chiffonné et frais dans le matin musqué et bougon. Le bouquet comme les poussettes et leurs charmants bambins d’autres jours, fit l’effet d’une bombe. Tout le monde s’effaça pour ne pas risquer de l’abimer. La jeune reine descendit à Saint Lazare, je remarquai alors au milieu des pivoines, des boutons de roses blanches, des nuages de gypsophile. Il y eut un grand soupir et dans le sillage parfumé que nous laissa son départ, quelques échanges de regards.

Un bouquet de pivoine pour un peu d’humanité retrouvée, car enfin, on n’offense personne en le regardant dans les yeux.

Plus bas dans la ligne 13, en fin de journée quand j’aborde Montparnasse et son tapis roulant des pluies qui nous passe sur la tête. 19 heures, j’ai acheté un petit pain aux olives que je mange devant la vitrine de la Librairie Payot. Elle a les yeux bleus un peu égarés, la soixantaine bien coiffée, se déclare «écrivain» et dédicace son ouvrage incognito, debout entre les rayons de livres. Elle traque le client stylo en mains : «Qui n’en veut du bouquin… Je l’ai écrit moi-même, je suis infirmière…»

« Non merci » j’ai dit, un peu honteuse tout en mâchant mon pain aux olives. J’ai traîné ma valise à roulettes, plus loin vers le quai n°20. C’est toujours le même pour le train que je prends mais chacun attend « qu’il s’affiche ». On n’est jamais à l’abri d’une surprise.