Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Sybille de Bollardière

chroniques

commentaires

Le bracelet masaï

8 Janvier 2017, 22:08pm

Publié par Sybille de Bollardière

Le bracelet masaï

J’ai entamé la traversée de l’hiver avec la lenteur d’une barge à contre-courant. Et maintenant Chet Baker plane sur la vallée et mes envies d’ailleurs. Alone together me brûle les veines avec ses volutes noires et blanches. Alors je regarde le bracelet masaï que l’on vient de m'offrir, mon talisman en perles de verre.

Je voudrais une saison, un pays un souvenir, un parfum, le sien, la Tanzanie aussi.

Le pays de celle qui a tenu ce bracelet aux couleurs de l’Afrique, enfilé les perles minuscules sur leur chemin de métal, le nom de celle qui a choisi ce rouge, dessiné le vert et le blanc entre les lignes noires. Je devine sous son ongle bombé, l’extrémité pulpeuse et fine de ses doigts, la rapidité de son geste. Mécanique, distrait ? A quoi pensait-elle en tressant pour moi le ciel entre deux battements de cils ?

Une femme au crane rasé vêtue d’ocre rouge, mais quel est le nom de son village ? Je l’imagine à l’est de Kilosa ou peut-être à l’ouest des savanes du Serengeti, dans les réserves Masaï.

Je porte la nuit, nos solitudes, son bracelet. Le reconnaîtra-t-elle quand je m’avancerai un jour, vêtue de blanc ?

 

Voir les commentaires

commentaires

Richard Lichtenberg

12 Décembre 2016, 09:46am

Publié par Sybille de Bollardière

Richard Lichtenberg - 10 mai 1952 - 7 Décembre 2016

Richard Lichtenberg - 10 mai 1952 - 7 Décembre 2016

Il s’appelait Richard Lichtenberg mais pour moi il était Yoshka et c’était mon ami. Il est parti mercredi soir et je l’imagine dans l’autre monde en pantalon noir et chemise blanche comme un de ces héros dans lequel il aimait se glisser. Richard aux vies multiples sur le grand échiquier du net ne répond plus. Erudit, passionné, généreux, attentif, fidèle et sensible, hypocondriaque, nostalgique et facétieux, il était tout cela et je n’en finis pas d’explorer tout ce que je dois à cette amitié particulière qui se jouait de nos différences et de la réalité. Aujourd’hui, j’écris ces quelques lignes entre la peine et la gratitude. Il faut parfois perdre un ami pour réaliser ce que nous lui devons. Pendant les premières années de mon blog, c’est lui qui relisait mes textes avant que je ne les poste, il corrigeait, commentait, fustigeant ma propension au romanesque. Il aimait Borges, René Girard, Maurice Leblanc, Alexandre Dumas et ses dialogues avec Marco. Marco l’ami dont il parlait souvent et qui reste lui aussi, incrédule face au silence. La vie de Richard c’était Périgueux qu’il ne quittait pour ainsi dire jamais, et tous ses autres lieux de fiction, de Belle-Ile aux Galapagos. Il faisait le tour du monde sur un navire sans équipage.

Nous avions eu le projet d’écrire ensemble mais l’entreprise avortée déboucha sur un roman en ligne : « L’amour en Zone inondable » et une lutte épique entre quatre personnages dans une mise en abîme dont il avait le secret. Richard avait une famille, une amie, des collègues, une vie dans cette ville de Périgueux où il était bien connu. Aujourd’hui je pense à Anna sa fille, et à tous ses proches à qui il va manquer. Il avait des projets de livre. Son livre. J’ai le sentiment que chacun de ceux qu’il aimait en possède un inestimable fragment. 

Voir les commentaires

commentaires

Renoncement

4 Décembre 2016, 08:04am

Publié par Sybille de Bollardière

Port Royal des Champs

Renoncer c’est le mot de ce début décembre, un mot d’hiver sec et noueux comme une résolution, un aveu. Une promesse de s’y tenir, de ne pas fléchir. Un mot quasi religieux qui précède l’ascèse, la pénitence, l’oubli, l’isolement ou tout simplement la sagesse. En politique comme ailleurs, on renonce beaucoup en ce moment, on se retire dans ses terres, sa ville ou sa famille, en écriture aussi. La langue est une terre d’exil pleine de caches et de replis. Exigeante, elle vous capte, vous emporte dans ses tréfonds laborieux.

Renoncement et beauté comme cette lumière de décembre en empruntant les allées de Port Royal. Parce que depuis mon enfance, j'ai toujours aimé cet endroit, marcher dans le froid craquant vers cette vallée des solitaires, admirer encore la courbe des collines, la douceur des roux de cette fin d’automne. Prononcer les noms : Jansenius, Angélique Arnaud, Pascal, Racine… les derniers Jansénistes et regarder la fumée d’un feu monter du carré des tilleuls.

En publiant « Les mauvais sentiments », j’ai renoncé à la publication classique, à la reconnaissance pour une vie de vagabonde littéraire. Mes livres et moi nous allons voyager avec ou sans la caravane, de Normandie en Aquitaine et peut-être plus loin dans la saison, en Alsace région que je ne connais pas encore et dont je parle dans le roman.

Réaliser que Renoncer c’est parfois choisir et s’offrir l’inconnu.

Les Granges de Port Royal des Champs, Cornelius Jansen dit Jansenius
Les Granges de Port Royal des Champs, Cornelius Jansen dit Jansenius
Les Granges de Port Royal des Champs, Cornelius Jansen dit Jansenius
Les Granges de Port Royal des Champs, Cornelius Jansen dit Jansenius
Les Granges de Port Royal des Champs, Cornelius Jansen dit Jansenius
Les Granges de Port Royal des Champs, Cornelius Jansen dit Jansenius

Les Granges de Port Royal des Champs, Cornelius Jansen dit Jansenius

Voir les commentaires

commentaires

Sur l'ombre des enfants

12 Novembre 2016, 07:57am

Publié par Sybille de Bollardière

Sur l'ombre des enfants
Sur l'ombre des enfantsSur l'ombre des enfants
Sur l'ombre des enfantsSur l'ombre des enfants

Une pause le long de la rivière pour oublier dans le pas des enfants les vociférations du monde et le silence des départs. Plus que les relents d’une élection nauséabonde, c’est la voix disparue qui m’émeut. J’ai peut-être écouté Léonard Cohen trop longtemps, je n’ai pas vu le monde changer, enfin pas au point de combattre et contre qui l’aurais-je fait ? D’est en ouest, de droite ou de gauche, ici ou là-bas, ce goût du pire, de l’outrance et de l’abject si largement partagé me désarme quand ce n’est pas l’ignorance ou l’obscurantisme. Asli Erdogan écrivaine - le mot prend du sens pour moi maintenant - menacée de prison à vie en Turquie et nous démocrates frileux, condamnés au moins pire. Alors marcher au fil de l’eau sur l’ombre des enfants, écrire pour soi, en marge, pour le temps à venir. 

Voir les commentaires