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Sybille de Bollardière

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Entre les pluies

21 Juin 2013, 06:24am

Publié par Sybille de Bollardiere

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Jeudi 20 juin 17 heures

Entre les pluies reprendre le livre, retrouver son sujet et la force d’aller plus loin dans ce maquis de brouillons, de notes et de tout ce que l’on aimerait dire. Cultiver le secret dans le doute parfois jusqu’à l’abstinence. Les pages qu’on ne peut écrire sont souvent les plus belles, elles sont là, entre les lignes, invisibles mais mélodieuses, ce sont elles qui me donnent le rythme.

 

Vendredi 21 juin 7 heures

« La chambre de bonne » en écrivant ces mots ce n’est pas le lieu où vient de s’installer I. que je découvre mais tout un pan de vie où la fiction croyait s’abriter en toute impunité. Derrière la toile de jute un peu fanée que l’auteur a posé sur les murs pour pouvoir décrire la vie de son héroïne dans son « nouveau chez soi », dix années hors sujet surgissent ce matin. Souvenirs sous les toits quand j’épiais la vie d’à côté pour en connaître les secrets dérisoires et cette misère silencieuse qui se lavait à l’eau froide du couloir. Des années anciennes qui n’ont rien à voir avec mon récit, et des pas qui s'annoncent entre les pluies... Sonnent la récréation du week-end. 


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"l'autre" en écriture

10 Juin 2013, 09:59am

Publié par Sybille de Bollardiere

 

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Pour quelques heures arrêter de croire que l’on est d’une quelconque utilité pour son livre en dehors du geste automatique d’écrire. Impression que les romans, naissent, prennent leur envol indépendamment de notre volonté. Comme les arbres sont liés à la terre qui les porte, ce que nous écrivons se nourrit à l’humus de notre propre vie, c’est cette dernière qui compte avant tout. Il faut la voir en grand, lui offrir un espace généreux, aimer et parfois s’oublier jusqu’à se perdre de vue.

L’autre dans l’écriture, celui dont on aimerait parler mais qu’on ménage ou travestit et ce n’est plus lui. L’autre que l’on traque entre les lignes à demi-mot, cet amour à qui l’on règle son compte en croyant se libérer, la haine, cette peur qu’on apprivoise, qu’on détourne parce que le temps ne nous rendra jamais rien d’autre que notre image.

Nos mots ne font que finir ce que la vie avait commencé. Le soin qu’on prend de l’autre dans l’écriture, c’est encore elle qui nous poursuit et ce ne sont jamais que nos sentiments que nous signons.

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Ecrire le jour et lire le soir...

3 Juin 2013, 08:29am

Publié par Sybille de Bollardiere

GustaveRoud-autoportrait-vers1940

...Et dans l'intervalle, marcher, porter son lot de buches, d'espoirs et de doutes, noter sur des bouts de pages ce qui pourrait servir comme ce qu'il faut retenir. Extrait d'un journal "à visage découvert" sur la nouvelle version du blog. 

(Photo : Autoportrait de Gustave Roud)

6 mai 2013 

Plus tard il faudra que je me souvienne de cette fenêtre ouverte sur le soir, des heures mauves accrochées aux arbres quand nous cessions de parler pour écouter la saison à venir. Il faudra que je me souvienne des nuits traversées vers l’ouest quand la forêt s’ouvre d’une seule route pour me conduire là où je sais que l’on m’attend. Oui il faudra que je me souvienne comme je le fais maintenant en buvant la tisane des nuits en pensant aux amis perdus, égarés ou qui ne le sont plus. Tant de choses nous ont séparés les uns des autres ces derniers mois, ces dernières années, peut-être n’avais-je rien vu avant ? Tant de blessures et tant de raisons de comprendre que le sens même des mots n’est plus à partager. Un si long hiver ! Oui, mais qui n’avait rien de si sombre que la haine, la bêtise et l’aveuglement. Je ne m’en remettrai pas. Pas tout à fait, même s’il y a toujours, plus haut que l’amertume, la silhouette crantée des lisières et le souffle du vent quand je roule vers je ne sais quel ailleurs.

L’amitié me trouble et m’émeut plus qu’aucun amour ne l’a fait.

Ici j’aime l’hiver, les pluies, l’isolement et la neige autant que l’été et toutes les routes qui m’y ramènent. Ici j’aime en paix, à l’abri oui, mais le temps perdu, lui ne reviendra pas.

 

Jeudi 9 mai 2013

 « Tous les romans sont des variantes de l’existence » écrit Camille Laurens… Des couloirs que l’on n’a pas empruntés. J’écris pour en finir avec la vie et n’être plus que son miroir, son souvenir. Pour l’installer sur une page et me faire à l’idée de ce qui a eu lieu. Ecrire pour un visage, un mot, un instant. La plupart des événements que j’ai vécu et qui m’ont considérablement marquée est indicible, non représentable mais en écrivant j’ai le dernier mot. J’ai tué ce que je désirais tuer et le souvenir de ceux que j’ai aimé contient plus d’amour que tous les instants où j’ai réellement aimé.

A propos du « Tableau » la nouvelle que je viens de terminer pour le Prix Rive Gauche à Paris. C’est un vrai-faux souvenir. Ce qui est réel en écriture comme en peinture c’est la superposition des couches, des événements, qui donnent la vraie couleur. Elle ne restitue pas un instant donné mais la résurgence de cet instant dans l’émotion du souvenir. Dans "Le Tableau", rien ne sera jamais plus vrai que Kenneth redessinant le corps d’Elvire.


Lundi 3 juin 2013

"la vraie vie" de ce printemps restera pour moi dans quelques livres : "Ecoute la pluie" de Michèle Lesbre,  "Le bleu de la nuit" de Joan Didion, "Chronique d'hiver" de Paul Auster, "Encore et Jamais" de Camille Laurens, "Voyage au centre de Paris" d'Alexandre Lacroix. Lus à Paris, dans le Perche ou au Maroc, gonflés de sable, de pages cornées ou de notes. Ils sont aujourd'hui rangés à la verticale dans la bibliothèque - installés pour rester - je sais que je ne les ouvrirai plus sans ressentir toute l'odeur de ce printemps 2013, sans revoir ses couleurs de vert jaune saturé d'eau mais aussi le bleu d'Essaouira, les murs rouges du Riad. Maintenant je retourne au roman, laborieusement, Ô combien, mais cela fait partie du chemin. Je ne lirai plus que le soir.

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Une journée ordinaire de Guy Moquet à Montparnasse

30 Mai 2013, 22:50pm

Publié par Sybille de Bollardiere

 

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A l’heure de pointe ce matin, pendant qu’un astéroïde s’apprêtait à frôler la planète, j’ai voyagé en sous-sol sur la ligne 13, le dernier wagon en compagnie d’un insensé bouquet de pivoines roses.

Elle est montée à Guy Moquet, exotique et fluide comme le parfum de ses fleurs qu’elle tenait précieusement en dépit de la foule et de l’écrasement. Quelle provocation ce bonheur olfactif, cet éclat chiffonné et frais dans le matin musqué et bougon. Le bouquet comme les poussettes et leurs charmants bambins d’autres jours, fit l’effet d’une bombe. Tout le monde s’effaça pour ne pas risquer de l’abimer. La jeune reine descendit à Saint Lazare, je remarquai alors au milieu des pivoines, des boutons de roses blanches, des nuages de gypsophile. Il y eut un grand soupir et dans le sillage parfumé que nous laissa son départ, quelques échanges de regards.

Un bouquet de pivoine pour un peu d’humanité retrouvée, car enfin, on n’offense personne en le regardant dans les yeux.

Plus bas dans la ligne 13, en fin de journée quand j’aborde Montparnasse et son tapis roulant des pluies qui nous passe sur la tête. 19 heures, j’ai acheté un petit pain aux olives que je mange devant la vitrine de la Librairie Payot. Elle a les yeux bleus un peu égarés, la soixantaine bien coiffée, se déclare «écrivain» et dédicace son ouvrage incognito, debout entre les rayons de livres. Elle traque le client stylo en mains : «Qui n’en veut du bouquin… Je l’ai écrit moi-même, je suis infirmière…»

« Non merci » j’ai dit, un peu honteuse tout en mâchant mon pain aux olives. J’ai traîné ma valise à roulettes, plus loin vers le quai n°20. C’est toujours le même pour le train que je prends mais chacun attend « qu’il s’affiche ». On n’est jamais à l’abri d’une surprise.


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