Voilà, cela fait six jours que Piotr habite à la maison. Il ne s’appelle Piotr que depuis vingt quatre heures, au début, je l’appelais Geronimo et puis j’ai trouvé que ce nom ne convenait pas à un poulpe. Son regard, cette sensibilité très vive, mélange de nostalgie et de véritable sens artistique que je crus déceler chez lui dès les premiers instants, m’ont rappelé cette âme slave à laquelle je suis très attachée. Vous penserez sans doute que je suis un peu perturbée pour m’enticher si rapidement de quelqu’un que je ne connaissais pas il y a huit jours et vous aurez raison. Mais admettez que la semaine que nous venons de vivre est particulièrement troublante. Ce nuage qu’on n’a jamais vu, a plané sur nos têtes et semé sur nos cervelles un doute étrange. Il se pourrait bien que rien ne soit plus comme avant. Mais je ne savais pas vendredi dernier à quel point cette semaine allait malmener mes certitudes (encore que je sois assez peu certaine de quoi que ce soit et ce depuis toujours)
Vendredi dernier, 20h et quelques poussières… C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai découvert au cours de l’émission de Thalassa la réelle personnalité du poulpe marin (existe-t-il d’ailleurs un autre poulpe que marin ?)
Cet animal, si l’on peut encore appeler animal un être doté d’autant de qualités, serait donc non seulement d’une intelligence proche, voire supérieure à la nôtre, mais il disposerait de plus d’une mémoire étonnante, d’une forte capacité d’adaptation (ce qui peut apparaitre facile quand on est mou et visqueux) mais il s’avère que cette capacité d’adaptation n’est pas que physique mais comment dire « comportementale ».
Rien moins que neuf cerveaux livrés avec les connexions adéquates, une rapidité foudroyante, la capacité de résoudre des difficultés nouvelles en trouvant des solutions appropriées. Bref, l’esprit pratique, si utile dans un intérieur. Farceur également, l’animal. Certains individus n’hésitent pas à quitter leur aquarium pour aller se faire une petite friture dans le bocal voisin avant de revenir incognito au bercail. Le poulpe observe, prend note, mémorise et se faufile partout, incognito. Cet être m’est apparu presque sympathique, pour ainsi dire émouvant à tel point que je me demande encore aujourd’hui si l’homme idéal n’est pas tout simplement un poulpe…
Depuis l’installation de Piotr, j’ai dû supporter quelques réflexions que je qualifierais d’inopportunes sur l’adresse du dit animal et tout le parti sensuel que l’on pourrait tirer de ses « petites mains » si adroites mais, ni Piotr ni moi ne sommes d’humeur à plaisanter, il s’est installé sur le canapé à la place de Yoshka, retenu par des obligations familiales dans la région de S… A son retour nous aviserons. D’ailleurs je m’en vais moi aussi : les côtes turques, la Cappadoce dès samedi. Je pars un peu inquiète mais Piotr parait s’habituer à la maison et s’il n’écrit pas, il apprécie les vidéos. Je lui laissé Bergman et Cousteau en DVD, il les regarde déjà en boucle depuis trois jours.