Mon dessin n’est pas terrible, je vous l’accorde mais il s’est passé tant de choses depuis ces derniers jours qu’il m’a semblé important de les rassembler « en image »… Piotr, mon poulpe, m’a quittée. Oh j’aurais dû m’en douter car depuis une semaine il était fréquemment « sorti faire un tour » comme me l’annonçaient laconiquement ses SMS. Je suppose que Piotr s’est lassé plus vite que prévu de mon menu thon en boite-crevettes congelés. Il me reste la nostalgie, le bonheur en différé car ce qui est bien avec les ruptures, c’est de pouvoir à loisir se remémorer tous les bons moments de la rencontre. C’est la douceur des regrets et l’incomparable volupté des remords, bref tout ce qui vous sauve de la lassitude à laquelle vous venez d’échapper.
Cela dit le passage de Piotr a été très instructif : tout le temps que j’ai passé à lui expliquer ce qu’était la littérature, un éditeur, un bon roman a abouti à une conclusion : J’ai du pain sur la planche ou plutôt un roman à finir. En partant il m’a laissé sur mon bureau un petit mot :
« J'ai lu "L'amour en zone inondable". Je trouve la double mise en abyme plutôt réussie et l'écriture vraiment agréable. Malheureusement, les deux histoires m'ont semblé beaucoup trop légères et manquer d'intérêt. C'est vraiment dommage. Je pense que vous devez proposer des personnages plus fouillés, et vous attaquer à des histoires plus construites. Vous avez du talent, c'est sûr, mais il me semble encore inexploité.
Je tenais aussi à vous remercier de l’aide et du soutien que vous m’avez offert durant cette période un peu difficile mais combien instructive pour moi. »
Suivait une formule plus intime pour me faire part de tout le bonheur qu’il avait eu à me connaître. C’est à ce moment là je crois, que j’ai reçu un mail de Yoshka. Nous devions nous retrouver le lendemain au festival des étonnants voyageurs à Saint Malo.
« Impossible de te rejoindre, en raison d’une intense invasion de blattes, me suis intoxiqué avec du « fly-tox ». J’attends les services d’hygiène et le SAMU pour ne rien te cacher je ne suis pas vraiment au mieux »
Après quelques heures dans un TGV Paris Saint Malo surchauffé, je me suis retrouvée invitée à dîner face à la mer un soir de Pentecôte qui se donnait des airs de juillet. La soirée s’annonçait littéraire, douce et arrosée quand patatras, on nous apporta l’entrée : de la salade de poulpe.
C’est à la vue de ces tentacules violacées baignant dans la vinaigrette que je compris que j’avais échappé à un lien contre nature.
Depuis je me remets au travail, enfin, un jour sur deux.