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Sybille de Bollardière
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Tête à tête avec un ventilateur et des nouvelles de Piotr le poulpe

28 Juin 2010, 20:23pm

Publié par Sybille de Bollardiere

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C’est juste une journée de grosse chaleur en tête à tête avec mon ventilateur. Je suis descendue trois fois voir le courrier, j’ai vérifié la charge de mon portable, défragmenté mon disque dur et fait tout ce que l’on peut faire de non urgent dans une journée et pourtant, c’est encore trop tôt pour appeler Yoshka qui, contrairement à toutes ses habitudes, s’est mis au travail. Je suis désœuvrée. C’est un mot horrible, indécent, un effet secondaire à cet état précaire que l’on appelle « l’arrêt de travail » et qui ne ressemble en rien ni à des vacances ni à l’école buissonnière. Pourquoi ? Je me le demande… A part la fatigue et une cervelle passée à la lessiveuse, je ne vais pas si mal : 37°2 le matin et pareil le soir, y a pas de quoi en faire un scenario et tout compte fait, je me sens au bord de la « blanche », pas la page, mais l’immensité, le désert, une banquise !  Je voudrais partir, mourir un peu, je ne sais pas très bien. En fait je n’ai aucune idée précise et normalement y a pas de quoi en faire un blog sauf que, j’ai eu des nouvelles de Piotr. (La deuxième fois que je suis allée voir le courrier) Il est vraiment très classique pour un poulpe (papier crème format A4 plié en trois dans une enveloppe même ton doublée gris, beau timbre italien représentant Corto Maltese à Venise)

 

Ma chère Amie,

Quelques nouvelles de Trieste d’où je compte partir pour la mer Egée.

C’est avec une certaine émotion que j’ai lu votre récent blog. Mais que faites-vous dans les cerisiers ? Ne m’aviez vous pas promis d’écrire ? Un roman j’entends, ou plus précisément la suite de celui que vous laissez ...é depuis de longs mois. Je veux parler de l’Amour en Zone Inondable. Pas fameux pour l’instant, j’admets qu’il y a beaucoup à reprendre car vos personnages sont pour certains, comment dire ? Insuffisants, improbables, effleurés. Mais puisez dans votre vivier personnel car il me semble que vous avez ce qu’il faut… Oui, je sais, ce n’était pas très élégant de ma part mais figurez-vous que pendant vos absences, j’ai pu découvrir à loisir le contenu de votre précieuse malle rouge.

 

Je sais que vous auriez pu me faire cuire pour moins que cela, mais avouez que c’était tentant et d’ailleurs je vous confie que je ne suis pas le seul à avoir succombé à la curiosité. Je me souviens très bien de cet après-midi que nous avons passé Yoshka et moi à lire vos lettres d’amour ou plutôt ces brouillons de rupture et autres missives que vous avez gardé pour vous. Ah quel trésor d’émotions contenues, de sentiments aussi éperdus qu’inutiles envers un homme qui ne vous méritait pas ! Il ferait pourtant un bien beau personnage n’est-ce-pas ? Hâtez-vous de lui dresser une statue avant que d’autres ne se chargent de la besogne.  Les sentiments les plus émouvants ne sont-ils pas ceux que l’on revisite ?

 

A vous écrire, je revois avec émotion ces lettres où le temps a délavé votre écriture bleue comme la sienne au crayon s’est résignée à l’effacement. Peut-être vous faut-il ce voyage pour renouer avec le roman et laisser pour quelque temps cerises, râteaux et maux éphémères ?

 

Ne prenez pas à la légère les conseils et la bienveillance d’un céphalopode à votre égard. Il se pourrait qu’ils ne soient que la marque d’une légendaire et sous-estimée philosophie.

 

Partant pour les eaux fraiches des Iles Égéennes je reste votre fidèle,

Piotr le Poulpe

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Pour une poignée de cerises...

22 Juin 2010, 20:07pm

Publié par Sybille de Bollardiere

 

Le-Perche-1420.jpg


Un mémorable râteau ! Et pourtant, tout avait si bien commencé : une lumineuse après-midi de dimanche et une tentative de sieste brutalement interrompue par le tapage des pies et des merles dans le cerisier. Si je voulais rapporter quelques cerises pour ma semaine, j’avais intérêt à me dépêcher. 


Résolue et prudente, car je n’ai décidemment rien d’une alpiniste, j’entamai ma cueillette en haut d’une échelle tout en rapprochant de moi les branches les plus lointaines - bien entendu, les plus généreuses en cerises- à l’aide d’un râteau.


Je me souviens d’avoir pensé que le bonheur était là, à portée de ma main. Il avait ce goût des fruits mangés dans l’arbre, la lumière de ce soleil jouant entre les branches avec au loin, les pas des enfants sur le gravier. Oui un bonheur  éblouissant …

Je n’ai pas vu le râteau se décrocher de la branche en surplomb et pourtant, il est venu, se ficher droit sur moi, de toutes ses dents, en travers de mon visage.

Couchée dans l’herbe en pantalon blanc au milieu d’une purée de cerises, j’ai senti le sang chaud couler sur mon front, entendu les cris et pensé à ce râteau qui venait de sonner le glas d’un week-end paisible.


« Je te préférai avant » m’a dit Côme, six ans, en me voyant revenir des urgences …


Moi aussi je me préférais avant mais je m’en remettrais.


Cet accident a prolongé mon week-end et m’a offert deux jours face à une page que redécouvrait le stylo... Je n’irai pas jusqu’à dire que ce râteau m’a remise sur les rails, mais j’ai aimé ces heures perdues à regarder le ciel, ces nuits noires et l’épaisseur du silence dans le repli des collines et cela, même si ma page est restée obstinément blanche...


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Rencontres à Antalya

8 Juin 2010, 19:27pm

Publié par Sybille de Bollardiere

 

Turquie-2010 1088

 

 

Ces visages m'obsèdent. Plus que les vivants ils m'ont accompagnée et je les ai suivis, guettés comme ces regards saisis par le sculpteur et  prolongés par la lumière de la salle qui les accueille. D'essence minérale, mais tellement humains que j'ai cru partager leurs secrets, l'intimité d'une vie dont il ne subsite que des ruines, et quelles ruines ... Qui disent encore dans les soupirs du vent ce que fut, un temps, l'Anatolie.

J'ai rêvé d'appartenir à ces lieux ou tout du moins, d'y revenir et de poursuivre cette route vers l'Orient qui est la source de tout, malheurs et civilisations confondus. Non contents d'êtres mortels, les hommes s'érigent des dieux et des lois qui ruinent leur passé et n'apportent aucune lumière. Est-ce cela  que je lis sur ces visages ? Doutes ou douloureuse nostalgie de l'éphémère gloire qui les a portés là, érigés, puis démembrés dans l'océan des plaines.

L'Anatolie est un chemin tellurique au coeur de l'homme, un temple livré aux vents et à la démesure de l'oubli peut-être aussi et c'est la crainte qui m'habite, à la vindicte des certitudes ou de l'ignorance, ce qui revient au même.

 

Musée d'Antalya, Turquie - Mai 2010

Images extraites de l'Album "Turquie" à voir ici  Turquie-2010 Turquie-2010

 

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"le rêve de la femme du pêcheur" ou le baiser du poulpe

3 Juin 2010, 21:15pm

Publié par Sybille de Bollardiere

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Le rêve de la femme du pêcheur de Hokusaï (autres estampes d'Hokusaï)

Autrefois j’aurais rêvé d’avoir Patrick Grainville pour Professeur de français (je n’en serais sûrement pas là aujourd’hui) mais maintenant, si je le regrette, c’est en tant que professeur de poulpe. Comme toujours dans les histoires d’amour, il suffit d’être quitté pour que l’absent revienne vous hanter par le biais d’une série de hasards douloureux.

Piotr, mon poulpe venait à peine de vider les lieux qu’on me le mettait  au menu en vinaigrette sans aucun ménagement. Il y a quelques jours, après l’odieuse salade de poulpe, je recevais par mail la somptueuse image ci-dessus, douce torture d’un souvenir que je n’ai pas en magasin. Mon poulpe à moi, hypocondriaque et misogyne se remettait mal d’un amour qui l’avait laissé choir dans l’Adriatique. Voir Venise, même en image, le mettait au supplice.

 Mais revenons à Patrick Grainville dont je découvre par le biais d’une chronique littéraire  (Jacqueline Demornex) le très passionnant ouvrage. Il y est question d’Hokusaï, de volcan, de mer et de feu mais surtout des turpitudes  d’un gastéropode qui m’a l’air autrement plus entreprenant que ne l’était mon Piotr. Mais je n’en dis pas plus. J’irai découvrir « le baiser de la pieuvre entre les lignes », dans son écrin, comme je vous conseille de le faire.

Le Baiser de la pieuvre, de Patrick Grainville

Seuil 248 pages 18,50 euros

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