Une longue journée d'été
Auteure. Romans, récits, poèmes. Atelier d'écriture, photos.
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« A chaque fois que je rencontre un homme, ou il est fou ou il a la colique. Il existe aussi des fous qui ont la colique mais ceux-là, j’évite de m’y attacher » Cela pourrait faire un début de livre, oui, si j’avais décidé de donner la parole à une narratrice. Mais pour l’instant je n’en suis pas là. La première phrase ne me vient pas et je ne sais toujours pas si je vais m’en tenir à cette distance narrative à laquelle je m’accroche depuis quelques temps. Pour l’instant je ne suis pas certaine d’avoir l’envie de relater quelque chose de précis. En fait, j’avance à tâtons dans un besoin d’écrire mal identifié. Je vais partir en vacances avec mes doutes, des pages raturées et l’esprit embrouillé par la culpabilité d’avoir, en plus, maltraité quelques amitiés récentes. Si je continue, non seulement je n’écrirai pas, mais en plus je ne serai plus invitée nulle part. J’imagine déjà un front de fous diarrhéiques ligués contre moi alors que j’ai tant besoin d’attentions.
Ce qui ne veut pas dire que je renonce à mon autre impérieux besoin de distance, parce qu’il est important que je retrouve mes marques, un ton, une voix, des odeurs, et ce bruit de la mer particulier là-haut, au pied des falaises. Je devrais m’installer à Thorville[1] face à la grève. De là je pourrais les entendre aller et venir, mes héros bien sûr, mais aussi les mouettes. Elles me sont indispensables et je déplore qu’il y en ait si peu ici, dans le Perche. Bien sûr, je le savais en achetant la maison mais les mouettes remontant jusqu’à Paris, j’escomptais… enfin, à vol d’oiseau, ici ce n’est pas si loin de la mer…
En fait, il me fallait une maison pour écrire ou plus exactement une maison pour y vivre d’écriture ce qui ne signifie pas tout à fait la même chose et puis je savais que j’avais ce projet de roman ou plus exactement cette « restauration romanesque ».
Reprendre un roman et en faire plusieurs nouvelles cela ne doit pas être simple, l’inverse ne l’est pas non plus encore que mon roman ne soit pas vraiment un ensemble de nouvelles mais plusieurs couches romanesques successives, une sorte de mille feuilles où les mises en abîme feraient office de crème pâtissière. Ah tout cela est compliqué, d’autant que les personnages en rajoutent, plus mythomanes les uns que les autres. Ecrire c’est mentir disait Léautaud (et pas que lui mais la véritable citation de Léautaud à laquelle je fais allusion ici est plus longue.[2]) La vérité, la véracité des faits et même leur vraisemblance a finalement peu d’importance. Ce qui compte « c’est le ton foutrement personnel » qui plait aux critiques et puis aussi l’ordre des choses et c’est là que je bute depuis quelques semaines. Quand j’entre dans l’écriture d’un roman cela peut ressembler à une mauvaise recette de cuisine : je commence par la fin, tout en rêvant du milieu ou inversement. Tout sauf le début. J’exècre les débuts de romans tout autant que j’aime les débuts d’histoire d’amour. D’ailleurs, lorsque j’en suis à écrire la première phrase, c’est que mon roman est terminé.
Parfois, je ne sais vraiment plus où j’en suis alors je cherche un titre. J’aime les titres, j’écris souvent des pages entières de titres avant de me remettre au travail. Je dépose des titres. Parfois je recycle des titres. Les titres me donnent du courage et me remettent sur les rails. D’ailleurs tiens, mon roman s’appellera L’amour en zone inondable, c’est un titre recyclé. Je peux m’avancer en vous déclarant qu’il fera 150 pages, et qu’il ne coûtera pas plus de 17 euros (et ne me dites pas que ce genre de détail ne compte pas !) Mais ne m’en demandez pas plus, pour le reste je ne suis toujours pas au clair… C’est pour ça que je vais devoir m’absenter un peu. Pour aller où ? Mais pour écrire et ça, c'est le bonheur !
Et puis ne vous inquietez pas pour moi, il ne pleut presque jamais en Bretagne...