La rivière est sortie de son lit et moi aussi pour l’admirer mais je vais y retourner, me barricader avec une pile de livres, de quoi noter et je ressortirai plus tard, le 6 mai de toute façon parce que nous avons un rendez-vous important qu’on appelle national.
Curieux ce mois d’avril qui nous offre le pire de chaque saison et cela dans la journée, parfois dans l’instant. Après l’été en mars, la grêle, la tempête et maintenant le bleu comme une île provocante dans un ciel d’ardoise. Non ça ne durera pas, on nous promet du pire encore, en politique comme en météo alors ne boudons pas les livres, le meilleur est entre leurs pages.
C’est très bien la Nuit de San Remo de Philippe Brunel. (Grasset) Il se dégage de ce livre un je ne sais quoi de nostalgique, d’envoûtant. On se laisse prendre par l’écriture élégante, la silhouette mélancolique des fantômes des sixties « Il n’y a que la mort qu’on ne peut retoucher »
Nostalgie aussi chez Dominique Fabre avec son très beau « Il faudrait s’arracher le cœur » (Editions de L’Olivier) qui vous embarque d’Asnières à Belleville en passant par Clichy dans une série de nouvelles liées les unes aux autres comme les vies multiples du narrateur. « Je vais devoir vous laisser » dit l’absent qui n’en finit pas de faire défaut et de blesser. J’ai beaucoup aimé… Tout comme Bohème d’Olivier Steiner (Gallimard) que je porte comme un coup au cœur, petit chef d’œuvre de passion virtuelle et de désir qui n’en finit pas de bousculer la vraie vie avec ses mails, ses sms. Bouleversant, troublant et profondément dérangeant « En réalité c’est le direct mélangé à la distance physique qui me donne le vertige. A quelle heure ne répondez-vous pas ? » « J’ai l’impression que le monde entier vous aime à travers moi »
C’est bien aussi Le Chapeau de Mitterrand d’Antoine Laurain (Flammarion), Héloïse est chauve d’Emilie de Turckheim (Editions Héloïse d’Ormesson) et celui que je viens de commencer , L’eau Noire de Fabrice Gaignault (chez Stock) Il m’envoie une claque dès la page 15 « Son nom n’apparaît jamais et il en éprouve fierté et soulagement à l’âge où chacun voudrait que son existence ressemble à un intestin soumis à une coloscopie publique » Voila de quoi soigner les vanités blogueuses… Et d’autres plus politiques… « Est-il fou, naïf ou finalement simplet comme le sont la plupart des gens brillants lorsqu’ils s’aventurent hors de leurs zones de compétence ? »
Et puis j'ai hate de découvrir les autres romans de la sélection du Prix Rive Gauche : Le rêve de l'homme lucide de Philippe Ségur (Buchet Chastel), Dieu, ma mère et moi de F.O. Giesbert, L'Eclaircie de Philippe Sollers et Une année studieuse d'Anne Wiazemsky, tous les trois chez Gallimard...
Après, je retourne écrire les jours de pluie et les autres.