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Sybille de Bollardière
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Canicule et poésie...

19 Août 2012, 15:32pm

Publié par Sybille de Bollardiere

Eté 2012

Poèmes lus dans le cadre d'une soirée musique et poésie au Château de Blavou, Orne le 18 aout 2012

 

Tout est lavable dans ma mémoire

Et s’étale au fil des lundis

Du temps et des voyages

Draps, chemises et nappes de fête

L’étoffe d’un désir

Dure plus qu’un visage

Amoureux sous la lampe des nuits

Ou triste comme un pagne les jours de pluie

Les vêtements d’usage sont à l’enseigne du ciel.

 

Et dans la rigole du jardin

Le jus d’une lessiveuse

Emporte la couleur, nos amours et nos peurs

Et toutes les sueurs de la vie

Sur l’étoffe des jours.

  

Manhattan 85

 Revoir "New York"

Et la femme bleue de Madison

Un soir de "Thanks Giving"

Harlem grelottante

Vue rose au matin du "Pierre"

Paraissait comme Angkor

Ouverte

Il y a du jeu de société

Dans cette ville empilée

L'extrême civilité du quadrillage

Et le dérisoire de l'Europe

Echouée là par hasard

Manhattan

Ou la saveur métallique du monde

Vu à travers la fenêtre

Et cette rugosité du marbre

Dont on ne touche que les défauts

De notre point de vue indéfendable

J'aime la vision nécrophage

 

Muse

Après la route, la pluie, les phares aveuglants

Et sur l’écran des nuits, les mots d’un inconnu

Aigus, précis, des mots en musique

Qui prolongent je ne sais quel temps

Que l'on devine commun

Le temps du héron, de l'eau et des silhouettes disparues

 

De mémoire je redessine les plaines

Leurs couronnes de vanneaux huppés

Et mes souvenirs de muse ordinaire

De celles que l’on couche en bas de page

Sans autre honneur que quelques vers

 

Dans la chambre sous les toits

Offerte aux combles des nuits

Les brouillons d’amour s’offraient des paradis bleu marine

Une page d’illusion parfois

De celles que l’on se lit glacés  au petit matin

Dans le souvenir des corps et l’envie des mots

 

Oui, tout cela avant que d’écrire un jour...

  

Transparente

J’ai volé un paysage et je m’y suis installée pour l’hiver

Transparente

Pour n’être ni l’objet ni le sujet

Et encore moins l’auteur

Mais simplement l’hôte de ce qui suivra

Quand on a si peu et trop à la fois

La somme de ses peurs, son indigence et vingt six lettres

Que dire du néant, de l’attente et de ce que l’on appelait l’amour ?

 

Posée sur l’herbe sèche, ma table d’écriture

Comme une arche d’alliance

Pour révéler que rien n’existera que le poète n’ait nommé

Que la clameur du monde est dans le trait, dans sa rupture

Le blanc immense de la page

Car c’est dans l’absence que se révèle la présence

Que se dévoile, comme sur le paysage

Cette rivière où, l’été, penchée dans son ombre

J’écrivais du temps, le visage à venir

 

 L’aveu

 Je l’aime à distance et dans le secret

Autant pour ce qu’il est

Que pour ce qu’il aurait voulu être

Aujourd’hui, plus qu’un pays

C’est une saison qui m’est devenue étrangère

Loin de lui

Je n’aime plus l’hiver


 

 

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Le bel été...

11 Août 2012, 10:12am

Publié par Sybille de Bollardiere

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Là et maintenant dans ce temps suspendu et plus tard aussi quand j’y reviendrai de mémoire pour retrouver la douceur du soleil sur les paupières, le grattement du stylo sur la page éventée au jardin… Oui, le bel été ici et maintenant dans les collines du Perche où les maisons se cachent à l’heure de la sieste pour s’ouvrir en fin de journée, quand la brise grelotte entre bouleaux et peupliers. 

et ici l'ensemble de l'album photo du Perche...

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Dinard, juillet 2012

5 Août 2012, 23:00pm

Publié par Sybille de Bollardiere

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Bretagne 4581

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Vues de la plage de Saint Enogat

L'ensemble de l'album Bretagne

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L'entre deux mères

3 Août 2012, 17:09pm

Publié par Sybille de Bollardiere

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Parler de ma mère, c’est parler de moi, du plus intime de moi et même d’un avant moi, d'un avant soi. J’ai gardé de cet avant le sentiment très fort qu’il avait été heureux, la nostalgie d'une intimité liquide et d’un bonheur muet et partagé. Je devais me sentir bien et paisible car j’ai beaucoup retardé le moment de naître. Trois semaines à ce qu’il parait, un long bébé de près de 5 kg avec des yeux ouverts, des ongles et plein de cheveux. Je suis née juste un an après la mort d’une petite fille de deux mois. Ma mère n’a pas souffert. Je suis un bébé sage et en bonne santé mais très vite ma mère n’est plus vraiment heureuse, c’est déjà une femme trompée et bafouée. Si elle ne redoute ni la douleur, ni la solitude, elle craint le scandale et pour ne pas décevoir sa propre mère, elle va choisir de se taire, d’avoir d’autres enfants et de me confier justement à cette grand-mère qui prendra une place si importante.

      Je suis une femme entre deux mères qui n’a trouvé la paix qu’en devenant mère elle-même. Ce bonheur à l’abri des miens m’a permis d’avoir un autre regard sur mon enfance et des années noires dont je ne parlerai pas. Il n’y plus de témoin et y a-t-il jamais eu un coupable ?

      Aujourd’hui ma mère est âgée et nous nous rapprochons de cette intimité animale de nos débuts dans les regards, plus que dans les gestes. Nous nous sommes aimées sur le tard, trop tard pour les câlins mais j’ai pris son parti et le mien aussi. Elle est et a toujours été par mon choix délibéré, mon père et ma mère à la fois, ou plutôt une sœur aînée sur laquelle j’ai veillé. En échange ou peut-être par négligence, elle m’a offert la liberté. Je crois que, peu maternelle, elle en avait besoin pour elle-même. Je l’ai regardée aimer et elle m’a observée avec curiosité « pousser comme une plante sauvage ». C’était son unique principe d’éducation.

      Un jour, je n’avais pas quinze ans, elle découvrit un de mes poèmes. Pour elle qui avait toujours rêvé d’écrire, ce fût comme une révélation, une frontière venait de s’effacer entre nous. Je me souviens de son regard, de ses mots aussi « C’est toi qui a écrit ça ? » Le poème s’intitulait « Solitude de l’amour » J’ai compris ce soir là que je venais de faire quelque chose d’important. J’ai vu que ma mère me voyait comme elle ne m’avait jamais vue. Nous avons partagé en confidence ses amours, ses déceptions et parfois la musique qui les accompagnait : Wagner, Schumann, Mozart, Ravel, Poulenc. Des livres aussi, certains dédicacés par elle pour que je puisse les lire en pension : Stendhal, Radiguet, Montherlant, Sagan, et même le sulfureux D.H. Lawrence avec «L’amant de Lady Chatterley.

      Les années ont passé, les enfants ne pleurent plus que dans nos rêves et quand je lui téléphone ou m’assieds au pied de son lit pour nos messes basses matinales, nous parlons de l’été qui tarde et des hivers trop longs, de musique encore et de livres toujours. Celle qui fut autrefois belle et lapidaire dans ses jugements, se contente de ses souvenirs, d’un regard sur son jardin quand elle n’affronte pas les douleurs d’un corps défait, meurtri, presqu’immobile. J’ai commencé à parler d’elle au passé en sa présence. D’un futur qui ne lui appartiendrait pas, qu’elle ne lirait pas. Alors ma mère me souffle sa mémoire, la mélange à ma vie en toute lucidité pour qu’amnésique, j’écrive le livre qu’elle n’a jamais commencé.

Chronique publiée le 31 juillet sur le blog "La Maternité" par Mathieu Simonet, auteur (Les carnets blancs, Le Seuil 2010, La Maternité, Le Seuil 2012)

 

http://la-maternite.blogspot.fr/

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