Canicule et poésie...
Poèmes lus dans le cadre d'une soirée musique et poésie au Château de Blavou, Orne le 18 aout 2012
Tout est lavable dans ma mémoire
Et s’étale au fil des lundis
Du temps et des voyages
Draps, chemises et nappes de fête
L’étoffe d’un désir
Dure plus qu’un visage
Amoureux sous la lampe des nuits
Ou triste comme un pagne les jours de pluie
Les vêtements d’usage sont à l’enseigne du ciel.
Et dans la rigole du jardin
Le jus d’une lessiveuse
Emporte la couleur, nos amours et nos peurs
Et toutes les sueurs de la vie
Sur l’étoffe des jours.
Manhattan 85
Revoir "New York"
Et la femme bleue de Madison
Un soir de "Thanks Giving"
Harlem grelottante
Vue rose au matin du "Pierre"
Paraissait comme Angkor
Ouverte
Il y a du jeu de société
Dans cette ville empilée
L'extrême civilité du quadrillage
Et le dérisoire de l'Europe
Echouée là par hasard
Manhattan
Ou la saveur métallique du monde
Vu à travers la fenêtre
Et cette rugosité du marbre
Dont on ne touche que les défauts
De notre point de vue indéfendable
J'aime la vision nécrophage
Muse
Après la route, la pluie, les phares aveuglants
Et sur l’écran des nuits, les mots d’un inconnu
Aigus, précis, des mots en musique
Qui prolongent je ne sais quel temps
Que l'on devine commun
Le temps du héron, de l'eau et des silhouettes disparues
De mémoire je redessine les plaines
Leurs couronnes de vanneaux huppés
Et mes souvenirs de muse ordinaire
De celles que l’on couche en bas de page
Sans autre honneur que quelques vers
Dans la chambre sous les toits
Offerte aux combles des nuits
Les brouillons d’amour s’offraient des paradis bleu marine
Une page d’illusion parfois
De celles que l’on se lit glacés au petit matin
Dans le souvenir des corps et l’envie des mots
Oui, tout cela avant que d’écrire un jour...
Transparente
J’ai volé un paysage et je m’y suis installée pour l’hiver
Transparente
Pour n’être ni l’objet ni le sujet
Et encore moins l’auteur
Mais simplement l’hôte de ce qui suivra
Quand on a si peu et trop à la fois
La somme de ses peurs, son indigence et vingt six lettres
Que dire du néant, de l’attente et de ce que l’on appelait l’amour ?
Posée sur l’herbe sèche, ma table d’écriture
Comme une arche d’alliance
Pour révéler que rien n’existera que le poète n’ait nommé
Que la clameur du monde est dans le trait, dans sa rupture
Le blanc immense de la page
Car c’est dans l’absence que se révèle la présence
Que se dévoile, comme sur le paysage
Cette rivière où, l’été, penchée dans son ombre
J’écrivais du temps, le visage à venir
L’aveu
Je l’aime à distance et dans le secret
Autant pour ce qu’il est
Que pour ce qu’il aurait voulu être
Aujourd’hui, plus qu’un pays
C’est une saison qui m’est devenue étrangère
Loin de lui
Je n’aime plus l’hiver