La passagère, rentrée 2015
Atelier d'écriture La Passagère, rentrée 2015
Nouvelle séance le samedi matin
Auteure. Romans, récits, poèmes. Atelier d'écriture, photos.
Atelier d'écriture La Passagère, rentrée 2015
Nouvelle séance le samedi matin
Eté breton sur son déclin ou en attente d'une hypothétique résurrection, le gris pale du ciel recouvre sans une égratignure un paysage en quête d'inspiration. C'est le temps des libraires...
Un dernier tour hier à la mythique Librairie du Mole à Saint Malo où Jean-Louis Duquesnoy officie encore entre un vieux PC, crayon et cahier. J'ai laissé à contre coeur Les nouvelles au complet d'Hémingway, Patagonie de Bruce Chatwin, quelques Gionno que je n'ai jamais lus et beaucoup d'autres... Dans les rayonnages sans fond, les livres s'empilent comme les nuages mais avis de tempête, les lieux pourraient bien disparaître et Dieu sait ce qui les attend entre bols bretons, fringues ou galerie. Si vous êtes de passage dans la région allez- y sans tarder.
de 2008 à Août 2015
Sept ans que je photographie, ce chemin d'eau et de vent, de lumière à certaines heures, quand la renverse le recouvre. Chemin de vent et de liberté aussi comme en ce jour d'été où je l'ai découvert seule pour la première fois. Je n'avais pas quatre ans, il faisait beau et déjouant la surveillance familiale, je me suis dirigée vers l'ouest de la plage. La digue interdite était là, rêche et dure pour mes pieds nus mais j'avançais les yeux rivés sur ce banc de sable au loin où des flaques turquoises semblaient faites pour moi. Escaladant les rochers couverts de berniques ou de bigorneaux, évitant les coupants champs de moules, j'ai rejoint les familles entières de pêcheurs de coques. Plus tard, le soleil a baissé et les mouettes sont venues reprendre possession des lieux. J'étais seule. C'est à ce moment qu'un pêcheur s'est approché de moi. Il portait deux paniers remplis de crevettes et une grosse épuisette. Je me souviens de la question rituelle – Où sont tes parents ? De ma réponse – Je n'ai plus de parents ! et du bonheur de m'imaginer telle une héroïne de conte de fée à la porte d'un univers nouveau. Oui, plus de parents, c'est comme ça que commencent les belles histoires. L'homme renonça à l'un de ses paniers et je revois encore la scène de la traversée. L'eau montait, le courant lui battait les mollets et je m’accrochais à son cou, à ses vêtements, une vareuse bleue en coton épais. J'aimais cette impression d'être au sec, hors de danger au dessus des éléments mais si près d'eux que je sentais les vagues lécher mes pieds. Quand j'ai levé les yeux, j'ai découvert ce qui nous attendait de l'autre côté de la digue, une silhouette pour me rappeler que non, je n'étais pas dans un conte de fées. Encadré par deux amis, mon père m'attendait.
Mon souvenir s'arrête là, il m'a laissé le goût des fugues et une tendresse certaine pour les petits fugueurs.
Hier sur la plage il n'était guère plus vieux. Seul sur le bateau contre lequel j'étais appuyée, à l'aide de sa pelle il pagayait sur le sable, uniquement préoccupé par sa navigation imaginaire. Il était perdu mais ne paraissait pas s'en soucier. Je l'ai regardé- blond et doré- jouer un moment, puis nous nous sommes souri. Et ta maman ? - Elle est là-bas me fit-il d'un air distrait en me désignant l'autre bout de la plage. - C'est loin, tu t'appelles comment ? - Jonas... j'ai trois ans – Tu aimes ce bateau ? - C'est pas un bateau, c'est un Kayak ! - Et tu veux aller où Jonas ? - On va aller pêcher, j'aime les poissons mais maintenant je rame ! A t-il ajouté en me souriant de son beau regard sombre.
Bon vent Jonas ! Je t'accompagne un bout de chemin, les baleines sont loin et il est encore temps de rêver.
Gris sur les lisières, silence. Derrière les vitres tachées de mouches on devine ce temps mou et plat qui succède aux orages. Dans l’hémisphère nord c'est le moment où l'été bascule, perd de son éclat avant de glisser vers sa fin. Saison jaune et brève pour nous rappeler « que le ciel est sous nos pieds aussi bien qu'au dessus de nos têtes. »1
Chemin secret ou temple de verdure au cœur de la vallée, je marche sur mes traces. Je me pardonnerais ce que je me suis infligé ici si je pouvais en tirer quelques lignes, une page à écrire avec le souvenir d'aujourd'hui sur l'illusion d'hier.
Dans la profusion des salicaires, eupatoire chanvrine, verge d'or et autre menthe sauvage, je cherche la blancheur de l'achillée, le jaune de l'épiaire. Pour le tableau de demain, marcher et redessiner le paysage, revenir au zéro, à l'infini des possibles et chercher dans toute chose la «divine proportion »2 car« Il n'est pas de plaisir qui ne soit en harmonie avec la part la plus profonde notre nature divine» 3
1 David Thoreau - 2 φ = 1,6180339887 -.3 Heinrich Suso 1295 - 1366