La ville oubliée
La ville oubliée ou au contraire omniprésente, celle de l'enfance et de ses images retrouvées. Rien qu'une rue au soleil de ce mois de février printanier et me reviennent les images d'un Paris des années 55 - 60, un Paris village que je croise parfois sans m'y arrêter. J'ai eu envie de fixer le décor de ces poèmes des années 80, une station de métro : Argentine, une adresse : 3 bis rue Brunel, 4 ème étage, ma chambre fenêtre sur cour et plus tard au 6 ème, ce balcon sur la rue ...
Sans dédicace, nul n'a besoin de mesurer nos larmes et l'édifice toujours défait de nos mémoires tuméfiées. Nous portons comme un vêtement de fête l'uniforme de nos rencontres hallucinées. Vos deux mains droites sur mes yeux d'obstinée pour que je veille seule vos destins d'emmurés. Parce que nous marchions de front dans le pillage, je serai poète pour vous survivre.
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D'où viennent-ils ? De ce goulot de brique enchâssant la cour au miracle d'oiseaux où le souvenir ramène leurs visages vers les chambres muettes de nos confidences. Où je vais j'habite leurs silences, je remonte les sentiers à l'urine de cheval où nous allions entre les semaines disjointes piller les buissons de fleurs ouvrières. Ces évadés de la reconnaissance m'ont laissée sur le tranchant d'une ville, la plèvre subjuguée, incapable de reproduire ce rêve menacé.
Qu'importe la rive de ce fleuve toujours inclinée dans ma mémoire et la déflagration des îles qui ensevelit à jamais les charmes d'une saison familière, c'est là-bas que je chante ceux-là que nous étions, noués dans le mutisme et la ressemblance.
D'où viennent-ils ? D'avantage qu'autrefois de ces nuits étroites où la mémoire abrégée me reconduit sans cesse, l'illusion limitée à cet étranglement de bitume qui enchâsse les derniers bois d'une ville.
Poèmes extraits d'Alizarine
Editions Le Pont de L'Epée Chambelland 1981 et La Passagère 2017