Gris ou bleu, le matin efface à grands coups d’ailes les mots de la nuit, les visages aussi. Sur les murs silencieux le reflet de leurs voix, de nos rires, des titres de livres, préfaces de jours à venir.
On s’est aimé de peu, d’instants, de ces moments-là que la nuit voudrait retenir et que les livres, des années après parfois, nous offrent en partage. Oui l’écho des voix sur les parois du cœur et dans la main, le battement d’un pouls, les errances du temps et peu importe ce vent innocent qui croit tout effacer.
Photo : Noordlarder bos, Zuidlaren le 12 septembre 2018
Article publié une première fois le 14 septembre 2018
« J’occupe seul, à l’instar d’un ermite, une maison blanche au cœur d’un bois où se mêlent arbres à feuilles caduques et conifères. » Contrairement à Jeroen Brouwers, l’écrivain néerlandais que je viens de citer, la maison que j’habite est rouge. C’est une cabane améliorée au cœur des bois dans la Drenthe au nord-est des Pays-Bas. Les conifères sont rares et le feuillage qui m’entoure au-delà de chaque fenêtre est d’un même vert uniforme un peu sombre à l’exception des clairières baignées de soleil.
Seule ou non, c’est en ermite que je m’installe à ma table, sur l’écran violet du livre à venir. Un nouveau roman dont le décor sera le nord des Pays-Bas. Comment sera-t-il publié celui-là ? La Passagère ? Ou un éditeur classique ? Je n’en sais rien et pour l’instant, ce n’est pas à l’ordre du jour. Que ce soit dans le monde de l’édition, dans ma vie ou dans celle du livre, tellement de choses peuvent changer d’ici la réalisation de ce projet. Aujourd’hui, pour L’amour en zone inondable comme précédemment pour Les mauvais sentiments, j’ai choisi de l’éditer moi-même.
Oui l’autoédition, car lorsque La Passagère – qui soit dit en passant édite aussi les textes d’un atelier d’écriture - s’occupe de mon cas, c’est bien de l’autoédition. Un travail artisanal qui n’est pas totalement solitaire, prend la suite de celui de l’écrivain ou de l’auteure. Pour cela, je m’adjoins l’aide de plusieurs lecteurs, d’une correctrice et d’un graphiste pour la couverture. La maquette, je m’en charge.Quant à l’impression, pour les petites quantités : le plus offrant et c’est le plus souvent Amazon ; éventuellement un imprimeur en France pour les libraires allergiques à la simple évocation du « monstre ». Certains continuent de penser que c’est Amazon qui détruit les libraires un à un. En revanche, peu se posent la question de ce que provoquent les retours des libraires - ces livres invendus, parfois des cartons entiers peu ou pas mis en rayon - qui partent au pilon, qui tuent un à un les petits éditeurs et poussent les grands à multiplier les sorties de livres. Pour moi, Amazon est avant tout un imprimeur intéressant, un distributeur avantageux pour l’auteur mais en aucun cas un « éditeur » de livres. Editer n’a rien avoir avec le fait d’imprimer ou de distribuer.
La Passagère est un éditeur « sans retour », chaque livre est acheté, payé, livré à défaut d’être lu. Pas de pilon, pas de gâchis. Je prends autant de plaisir « à faire mes livres » qu’à les écrire, autant de soin et de passion à chaque étape de leur fabrication et de leur distribution. Mais il faut l’avouer, la diffusion et la distribution, c’est bien là que le bât blesse. Que l’on soit auto édité, chez un petit éditeur ou même chez un grand, si l’on ne fait pas partie des poulains bichonnés par le service de presse, la plupart des auteurs sont condamnés à la confidentialité, dans le meilleur des cas quelques semaines « en rayon » avant de retourner dans les cartons.
Être un écrivain confidentiel n’est pas frustrant pour autant. Pour ma part, bien moins que ne l’a été mon expérience dans l’édition traditionnelle pour mes deux premiers romans. Quelle tristesse de constater que malgré une presse élogieuse, son livre n’est pas ou mal distribué… Ou bien qu’après trois semaines, en dépit d’un service de presse conséquent, il n’est plus présent qu’en seconde main sur Amazon ou Marketplace … « Revendu » et dans ce cas, rien pour l’auteur bien entendu. Pour la frustration, je ne parle pas des droits d’auteur ridicules pour ne pas dire insultants quand on sait qu’en échange de ces maigres subsides, on a vendu son livre, son titre, son histoire, ses mots et parfois deux ans, cinq ans de rêve et d’écriture, de travail et de sueur. Qui pense encore que c’est facile d’écrire un livre ?
Alors oui, l’autoédition pour rester maître de ses droits, de son livre, pour lui permettre de vivre plusieurs années et lui donner le temps d’être lu, par souci écologique également. La vraie gratification, la seule est toujours la même quelle que soit la maison d’édition : être connu de quelques libraires qui vous lisent, vous apprécient, offrir un plaisir de lecture à ses fidèles lecteurs et aux nouveaux, rencontrés grâce aux salons du livre ou aux blogs de lecteurs et lectrices.
La Passagère propose à tous les libraires des livres en dépôt pour deux mois, à tous les lecteurs qui le souhaitent, une livraison gratuite par lettre suivie. Il suffit de nous écrire...
(206 pages, 16 € - La Passagère, Avril 2022) est le témoignage d’un amour hors norme entre deux sexagénaires qui vont partager au cours d’une vie itinérante, écriture, peinture et drames familiaux. Dans cette autobiographie sans fard, l’auteure lève le voile sur une part de son enfance et se révèle à elle-même, réconciliée, libre pour son écriture à venir.
Cette rencontre autour du livre avec l'auteur, Sybille de Bollardière, sera aussi plus largement axée sur l'écriture autobiographique.