L'ange noir, poème
Lucifer par Gustave Doré
Si je n’étais monté si haut, je n’aurais rien perçu de ma chute
Il y eut un temps rayonnant de lumière
Puis le lent glissement amorcé jusqu’aux vertigineux abymes
Le grand plongeon des nuits où, je croisai ébloui
D'autres qui n’avaient d’yeux que pour le sommet
Ce que je n’avais vu en m’élevant, je le découvris dans ma disgrâce
Le cœur du monde battant contre mes tempes
Des saisons de plomb et de famine
Pourtant
Il y a une grande douceur à tout perdre et tout comprendre
L’étendue du désastre et les mots pour le nommer
Avant d’être obscur, le malheur nous aiguise comme un silex
Aimé, aimant, je me crus invincible, insensible au temps
Renouvelé dans mes certitudes jusque dans ma chute
Ce que je ne pouvais plus vivre, j’en amorçai l’écriture
« Je ne me courberai point, je ne demanderai point grâce d’un genou suppliant
ce malheur est mon choix» [1]
[1] Le paradis perdu de John Milton