Le temps des mots
C’est parfois insupportable de comptabiliser le temps passé à écrire, à noter, tout aussi insupportable que le temps oublié, mangé, effacé sans qu’il n’en reste un mot. Le livre est un concentré d’humain de présence et de vie. "Une vie en chair et en os", oui, je le dis. A venir, il est l’aube sans matin, du temps à découvert, rebrodé, falsifié, qui s’étire au fil de nos pas le long des lisières. Du passé, il faudrait rendre au papier ces hoquets de chagrin avant qu’ils ne cessent et que tout disparaisse. L’écriture, après s’être enfoncée dans l’épaisse forêt de son imagination, s’avance en silence vers le trou noir des sentiments. Bientôt plus rien n’existe que son tête à tête avec les mots, unique et véritable obsession, tout le reste disparait.