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L'Orange de Mars 21 - La quiétude des choses possibles
De: "Savannah." <.Savannah@hotmail.fr>
À: "Malcom." <Malcom.@hotmail.fr>
Objet: la quiétude des choses possibles.
Date: vendredi 2 mai 2003 08:36
Malcom,
Petit matin - moins petit qu'il n'y parait, je serai donc en retard. J'aime le souvenir si frais de ce premier mai qui ouvre une page différente de nos éphémérides épistolaires. J'arpentais R*** à ton bras moins en passagère qu'en propriétaire, ces lieux de grand vent qui lavent la cervelle sentaient la belle saison, m'inclinaient aux projets, à la quiétude des choses possibles.
Pourtant il y a comme une tristesse qui plane sur ta lettre, j'ose prétendre que je la reconnais. Si j'ai retrouvé le goût de vivre, je ne serai jamais plus la même. Il y a des voyages dont l'on revient très chargé, laisse le temps t'alléger de ce fardeau qu'il convient d'explorer avec douceur, comme on tourne les pages de sa vie.
Nos pensées ou nos sentiments nous trompent parfois, notre corps rarement. A suivre
Je t'embrasse
Savannah
De: "Malcom." <Malcom.@hotmail.fr>
À: "Savannah." <.Savannah@hotmail.fr>
Objet: équation dialoguée
Date: vendredi 2 mai 2003 18:33
Savannah,
Pensées et sentiments trompeurs ? Dans le libre arbitre nous nous offrons les meilleurs sentiments en libre pensée. Nous devenons de belles âmes. Dans la libre pensée nous nous essayons à instrumentaliser notre volonté pour tendre vers la tolérance, qui fera de nous les maillons d'une trame infinie.
Corps révélateur ? Les corps révélateurs déboulent dans l'univers et consument leur énergie. Les corps révélateurs nous inquiètent. Perplexes, nous désirons dans l'instant les formes les plus appropriées à l'exercice de l'actualité. Les corps devenus délateurs, nous emprisonnent. Figés, nous étouffons mécaniquement. Les corps épuisés, déshumanisés, disparaissent. Les corps révélateurs s'éteignent. Et nous sommes impuissants à les suivrent.
J'aime lire cet « à suivre » qui déroule le fil de nos mots. Nos spontanéités, nos retenues, nos débats qui tout au long de la journée croisent nos pensées. Le dialogue, telle une source, jaillit ici ou là au gré de nos technologies, de nos rencontres. A L*** nous jailliront à nouveau dans notre matérialité, dans nos corps révélateurs.
Je t'embrasse en toute équation ;
Malcom
PS Equation dialoguée au gré des pérégrinations de ce vendredi dont tu as lu sur la scintillance de ton écran la possible interprétation. Tendrement
À: "Malcom." <Malcom.@hotmail.fr>
Objet: bienheureuse paresse
Date: vendredi 2 mai 2003 23:14
Ah Malcom, quel bonheur que cette soirée !
Le vent dehors, la splendeur dorée du bouleau au soleil couchant et cette impression d'être tout simplement bien. J'aime quand la nuit craque et que je me sens comme dans un vaisseau intérieur, à l'abri et au coeur des tempêtes, douce pour moi-même et faisant provisions de tout ce que j'aime pour les partager plus tard.
Ecriture appliquée et distraite sur mon journal, nous avons perdu le contact lui et moi. Mon infidélité lui est fatale. Comment pourrait-il rivaliser avec notre correspondance ? Sentinelle, tu es aussi "mon destinataire" et ce mot étrange et quelque peu impressionnant résonne dans ma tête. Il répond à une question obsédante. Pourquoi j'écris ?
"A toi", quand peut-être un jour je dirais au terme d'un livre plus épais, "pour toi"
Les temps d'écriture sont faits des blancs qu'on leur offre, de ce temps pris pour aimer, pour marcher et quelquefois pour enfanter. Il y a aussi cette "écriture des mains" : la terre, la taille des arbres et l'arc de nos vertèbres, courbé, offert au ciel, jusque dans la douleur bienfaisante du repos. Oui c'est ainsi, j'aime quand mon corps a mal après l'effort, quand je sens mes doigts épais, engourdis, ma peau rugueuse et mes cheveux en bataille. Je suis libre alors et si bien avec moi-même (Caïn, père de l'humanité me parait si proche, je célèbre sa mémoire dans ces instants) je m'offre de l'eau et du repos comme le plus précieux des luxes.
Moi qui boit si peu d'eau et avec parcimonie en toute circonstance, j'aime la prendre dans mes mains, la nuit ou après les grandes fatigues. Je n'aime pas l'eau des bouteilles mais celle qui coule, dévale et me laisse les lèvres rafraîchies et le coeur apaisé.
Avant l'été il y a Laval et Saint Léonard des Bois, ma joie bavarde et ma silencieuse tendresse.
Je t'embrasse, tendrement
Savannah