Auteure. Romans, récits, poèmes. Atelier d'écriture, photos.
La traversée
Capharnaüm
Enfance
Aujourd’hui le thème de l’atelier d’écriture sera l’enfance. Pour l’évoquer, « la faire venir » intacte dans ses limbes ou plutôt dans ce linceul mélancolique dont on l’enveloppe au fil des années, j’ai relu Bergougnioux, l’enfance avec un A comme âpre et agricole, Ernaux l’enfance sociologique, objet d’étude et de tendresse, en bocal dans les étagères de l’épicerie familiale. Canetti, Mandelstam, Sarraute, parce que rien ne vaut une enfance juive, colorée et voyageuse ou même exilée quand il s’agit de donner des couleurs à la sienne. Parfois l’enfance se résume à des objets : une peluche, un martinet, un livre, une petite voiture ou une poupée. L’enfance se referme autour d’un mot ou d’un jour de la semaine : l’enfance lumineuse du jeudi ou du mercredi. Curieusement on n’évoque les dimanches que pour en rappeler la tristesse et la solitude. Les enfants ne pardonnent pas à leur enfance de les avoir laissés seuls. Mais qu’est-ce qu’on a fait pendant l’enfance « en vrai » ? Comment occupait-on nos journées à part attendre ou rêver d’être grand pour au choix : partir, être enfin tranquille, les quitter pour toujours ou simplement vivre sa vie ?
J’aime cette phrase d’Annie Ernaux à propos de l’enfance de son père : Il aimait apprendre. (On disait apprendre tout court, comme boire ou manger.) Dans un autre texte, Les armoires vides ou La honte, Annie Ernaux cite ce mot apprendre en précisant qu’il était dévolu à l’enfance, chez elle-ce qui signifie à Yvetot dans les années 50-60 et dans sa famille, on ne parlait du travail que pour évoquer celui d’un ouvrier, d’un paysan. L’enfant lui ne faisait qu’apprendre. As-tu bien appris ? Qu’est-ce que j’ai appris ? Voila la question.