Un peu de ciel entre les pas
Quand la nuit des banlieues s’installait sur les lisières anonymes,
J’ai voyagé
J’ai vu le monde noir, nu et affamé en travelling sur les rails de mars
J’ai senti son âme expirer d’un soupir dans les cendres des polymères
Un monde de peu de mots, de pas grand-chose au fond quand on ne fait que passer
Qu’aimer d’un revers de page ce qu’on aurait pu vivre une vie entière
Et pourtant, la peau de chagrin des voyages est une chance mesurable
Ici ou là, sans rien en vouloir, je me défais de moi et me remplis de tout
La solitude tisse une toile, la seule qui vaille, où se reflète le monde
Alors seulement
J’ai pu sentir sur ma peau la vague noire des buffles dans la ville blanche
Le souffle des nuits quand la mer draine la terre endormie
Les combats de l’aube dans l’acre fumée des feux
Quand le jour distrait s’offre au cri des corbeaux
Parler ou tenter de le faire de l’objet du poème, d’amour, de haine
Ou des méandres de la fiction vous tombe des mains
Sans artifice, la langue des corps efface
L’homme, l’enfant, le souvenir pour le « bel aujourd’hui »
J’ai fait vœu d’ignorance et d’animalité
Et j’aime ce peu qui me reste d’humain et me permet d’écrire
Ce que je deviens et où je m’en retourne
Poète, nu, soufflant comme un buffle dans la nuit
Si j’ai chevauché l’absence et les désillusions, j’ai semé aussi
Parfois sans le savoir, un peu de ciel entre mes pas