La voile rouge
Le roman ? Voila je m'y remets, récris l'histoire en me glissant dedans, "je" en veux-tu en voilà, une peau d'encre pour l'hiver, des phrases à retourner comme un gant et des images qui surgissent du revirement. C'est long comme une vie, je n'en n'ai pas fini.
"- Tu t’appelles comment ? demanda l’homme en ramassant la poudre de café à l’aide d’une feuille de papier. Il me sourit alors que je lui raconte ma vie, que je suis là en vacances avec ma maman qui dort encore et que nous irons à la plage après le petit déjeuner. Je revois une à une toutes les images de cet été à Trouville que je passai, pour une raison inconnue, seule avec ma mère. Un autre jour, l’homme au grand sourire me tient par la main sur le quai avant de rejoindre un bateau. Il fait froid, le ciel est gris et la voile rouge sombre claque au vent, ma mère a le mal de mer. J’entends le cri des mouettes et la voix de l’homme qui m’appelle. Il tient la barre, me montre la direction en m’installant sur ses genoux. Plus tard comme je frissonne, il m’enfile son gros pull marin et me regarde ensuite déambuler comme un manchot sur le pont instable. Je suis ridicule et heureuse dans ce pull immense un peu grattant qui me bat les genoux, il sourit toujours et je le trouve beau et tellement gentil. Au loin la mer est grise, infinie. Alice de profil regarde l’horizon, cheveux au vent, les deux mains cramponnées au bastingage. Elle porte déjà sa grosse gourmette en argent qu’elle ne quitte jamais, où pendent des breloques qu’on lui offre pour son anniversaire ou Noël : un gouvernail, une ancre, un nœud marin. Comme toujours, elle a les ongles vernis couleur rubis, sa bague et son alliance au petit doigt, l’une cachant l’autre façon à la fois négligente et chic de jouer à la célibataire, incomparable Alice…" Extrait "Les mauvais sentiments"