Yoshka et Belle Ile
Yoshka, j’écris ton nom en tête du jour, je l’invoque et avec lui toutes les images volées, virtuelles ou réelles. J’écris ton attente pour t’accompagner, pour tuer le temps que tu ne comptes plus, que tu ne veux plus compter. De nos comptes à rebours le tien est le plus court me disais-tu et si rien n’est démenti aujourd’hui, je regarde cet indécent soleil de novembre avec les couleurs de nos nuits d’écriture. Ta voix au bout du fil, les pages de Borges, l’affaire des scolopendres, l’amour en zone inondable, les fragments de Lichtenberg et cette histoire de Dieu à écrire.
Arrête ! Remets-toi bordel ! Il y a du grain à moudre et tes vitres voilées de nicotine te cachent un océan. Et Belle Ile, tu l’as oubliée ? Belle Ile si belle en ce moment, je le sais, je le devine. Belle Ile, la terre promise d’Over Yonder, ta page blanche, ton invitation, ta frontière avec le monde.
Mais je sais Yoshka, tu fais ce que tu veux. Tu connais la règle du jeu. Toi tu joues aux échecs et moi aux dames. Rabbi Nahoum, l’un des fils du Rabbi de Rijjin près de Kiev, disait à propos du jeu de dames : « Premièrement on ne peut faire deux pas à la fois. Deuxièmement n’aller qu’en avant et ne jamais reculer. Et troisièmement lorsqu’on est parvenu jusqu’en haut, on a le droit d’aller partout où l’on veut. »
Alors Belle Ile t'attendra à la pointe des Poulains le soir, à la tombée du vent.