Avant la nuit
Lundi 4 décembre
Comme un marché de Noël, mais plus en quête de mots, de recyclage des mal-entendus, des invendus, des livres ouverts et jamais lus, Je tombe sur "l'Impair" de Michel Deguy.
"La poésie est pensive, elle pense en pensant." Et plus loin "L'accompagnement du poème, ses préparatifs et ce que j'aimerais appeler les didascalies d'une énonciation poétique, demandent des soins."
Et le soin chez Deguy c'est l'entre-deux, l'entre soi et le lien sans cesse hésitant de l'attachement.Oui j'y suis, c'est bien là ou quelques pages plus loin le premier mot que je retiens Rabot. Associer l'outil à la mémoire, aux copeaux récoltés par ma pensée simplificatrice ou vieillissante. Et toujours dans le même champ lexical, le burin et l'action buriner, racler.
La récidive. J'ai à faire avec ça aussi, j'aime ce mot, tout écrivain est un récidiviste.
Abstinence, mot étrange et étranger qui donnerait Abstine un personnage de théâtre déjà sacrifiée, victime renonçante.
"La littérature n'est pas un savoir, c'est une perte active" Oui certes, et mon panier de mots en main, renonçant au poème comme Abstine renonce à tout ce qui est bon, je regarde la nuit tomber en buvant mon vin noir.
Je pense à l'ancêtre de l'homme marchant entre chiens et loups dans la fange des points d'eau en quête d'une proie. La littérature pour moi, c'est la commémoration de cet instant d'ombre, d'espoir et de mort. L'homme à peine redressé, avançant dans la crainte et la faim. Le ventre vide et la peur du soir qui tombe. L'heure des prédateurs, manger avant d'être dévoré comme écrire avant de mourir pour laisser sa trace sur le papier comme l'empreinte des premiers hommes dans le cloaque primordial...