Damas, le coeur oriental
Asfur Forever - sur Google earth
L’averse a redoublé et les toits résonnent de son crépitement. C’est une grosse pluie lourde et molle qui ruisselle sur les fenêtres que des semaines de beau temps avaient maintenues ouvertes et qu’il faut maintenant refermer. Et puis c’est le soir, l’heure des lampes plus tôt que d’ordinaire ; la lueur bleue de l’écran dans l’ombre du bureau m’entraine dans les méandres de la toile.
Voyage d’encre dans les ruelles anciennes où les murs ne délimitent ni les odeurs ni les bruits. Ici, le muezzin, plus loin le carillon d’une église syriaque avant cette autre ruelle qui mène à la synagogue. J’ai le pas hésitant devant cette image volée dont je ne connais ni l’auteur, ni la date où elle a été prise. Une fin d’automne probablement, en témoignent le feuillage qui se défait et la lumière qui s’efface en douceur le long des parois. Damas en son cœur, à des lieues des faubourgs, de Homs ou de Deraa où le combattant obstiné se fige dans l’attente entre le désespoir et l’indifférence. Le souvenir, le présent qui veut se prévoir, se rêver et dessiner l’espace d’un pays nouveau.
Dans le temps divisé d’une ville, je dessine de mémoire un visage, le sien. Ses peurs, ses attentes et la course éreintée de l’orage dans d’autres ruelles éventrées. Donnant-donnant, des nuits de cendres contre l’ordre et une paix en guenilles. On ne dit plus la guerre, on se contente d’évoquer les événements et l’on énumère les morts, presque toujours des civils visés à la tête, parfois dans le dos.
Est-ce qu’il pleut là-bas où je n’irai pas ? Et que peuvent la pluie, les mots et la pensée ouvrière contre l’indifférence ? A Damas et ailleurs, plus que les armes, c’est le silence qui est à craindre.