Les Pouilles 13 Un matin à Torre Canne

Dimanche 15 septembre, Torre Canne
Comme hier et avant hier, pas un nuage, un coin de ciel bleu quand je lèvre la terre en direction de la rue. L'adresse des jours actuels : 16 via Rimini. 8H30 du matin, c'est l'heure où les voisins s'interpellent d'un balcon à l'autre pour commencer la journée. Les draps pendent aux fenêtres, secs depuis longtemps tout comme les serviettes de plage ou la lessive du jour. En fait ils fleurissent la rue de leurs motifs multicolores mieux que ne le feraient de banals pétunias. Se promener de bonne heure dans la rue adjacente comme je l'ai fait hier me donne l'impression de faire une intrusion dans le domaine privé des habitants. Ici, comme probablement dans une grande partie du sud de l'Europe, les vieux, malades ou carrément « sur la fin », sont de sortie, installés dans la rue « à la fraîche ». On ne peut passer au milieu d'eux, même en les saluant, sans avoir la désagréable impression d'atteindre à leur dignité. Les corps blessés, usés, décharnés ont été un jour beaux et triomphants dans la lumière de ces étés de l'après guerre qui n'existent plus que dans leurs souvenirs. D'habitude pour le journal, j'écris directement sur mon cahier et je m'en tiens là mais, depuis que j'ai décidé de publier le journal d'Italie, il m'arrive d'écrire directement sur le clavier et le ton en est changé. Ça devient un « journal à lire » avec les habituelles censures. Parler de ce qu'on fait, de ce qu'on voit, pas trop de ses états d'âme et surtout pas de ce qui ne va pas. Pour ça il faut le recul du temps... Des années parfois... Quelque chose a changé depuis que je suis arrivée dans les Pouilles, une ombre me quitte, s'éloigne. Dorénavant elle me suit à quelques pas, jamais trop loin mais c'est important cette distance, je la reconnais c'est celle de la possible écriture. Journal d'Italie Les Pouilles 2019