Les ruines de Gannes
Il est des paysages étranges qui se prolongent en nous dans leur légende. Le décor des ruines de Gannes est de ceux-là. Il appartient eaux sombres qui l’entourent autant qu’aux mots qui nous hantent. Ce n’est pas tant la beauté virginale d’un lieu que je suis venue chercher ici que son engloutissement. Avec ses berges mâchées d’où émerge l’innocence des bouleaux, c’est le noir qui domine, un noir putride et sanglant qui s’engouffre dans le trop plein des eaux. On a lutté ici, pierre après pierre, cent ans pour retourner la terre et la semer d’âmes, de corps, pour y enfoncer des cris, des aveux, des abandons.
Quelque chose est définitivement vaincu ici, une perte célébrée, magnifiée et maintenant ce sont les arbres gigantesques qui soutiennent le ciel.