Pour une poignée de cerises...
Un mémorable râteau ! Et pourtant, tout avait si bien commencé : une lumineuse après-midi de dimanche et une tentative de sieste brutalement interrompue par le tapage des pies et des merles dans le cerisier. Si je voulais rapporter quelques cerises pour ma semaine, j’avais intérêt à me dépêcher.
Résolue et prudente, car je n’ai décidemment rien d’une alpiniste, j’entamai ma cueillette en haut d’une échelle tout en rapprochant de moi les branches les plus lointaines - bien entendu, les plus généreuses en cerises- à l’aide d’un râteau.
Je me souviens d’avoir pensé que le bonheur était là, à portée de ma main. Il avait ce goût des fruits mangés dans l’arbre, la lumière de ce soleil jouant entre les branches avec au loin, les pas des enfants sur le gravier. Oui un bonheur éblouissant …
Je n’ai pas vu le râteau se décrocher de la branche en surplomb et pourtant, il est venu, se ficher droit sur moi, de toutes ses dents, en travers de mon visage.
Couchée dans l’herbe en pantalon blanc au milieu d’une purée de cerises, j’ai senti le sang chaud couler sur mon front, entendu les cris et pensé à ce râteau qui venait de sonner le glas d’un week-end paisible.
« Je te préférai avant » m’a dit Côme, six ans, en me voyant revenir des urgences …
Moi aussi je me préférais avant mais je m’en remettrais.
Cet accident a prolongé mon week-end et m’a offert deux jours face à une page que redécouvrait le stylo... Je n’irai pas jusqu’à dire que ce râteau m’a remise sur les rails, mais j’ai aimé ces heures perdues à regarder le ciel, ces nuits noires et l’épaisseur du silence dans le repli des collines et cela, même si ma page est restée obstinément blanche...