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Sybille de Bollardière
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Les jours de pluie et quelques livres

29 Avril 2012, 14:53pm

Publié par Sybille de Bollardiere

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La rivière est sortie de son lit et moi aussi pour l’admirer mais je vais y retourner, me barricader avec une pile de livres, de quoi noter et je ressortirai plus tard, le 6 mai de toute façon parce que nous avons un rendez-vous important qu’on appelle national.

Curieux ce mois d’avril qui nous offre le pire de chaque saison et cela dans la journée, parfois dans l’instant. Après l’été en mars, la grêle, la tempête et maintenant le bleu comme une île provocante dans un ciel d’ardoise. Non ça ne durera pas, on nous promet du pire encore, en politique comme en météo alors ne boudons pas les livres, le meilleur est entre leurs pages.

C’est très bien la Nuit de San Remo de Philippe Brunel. (Grasset) Il se dégage de ce livre un je ne sais quoi de nostalgique, d’envoûtant. On se laisse prendre par l’écriture élégante, la silhouette mélancolique des fantômes des sixties « Il n’y a que la mort qu’on ne peut retoucher »

Nostalgie aussi chez Dominique Fabre avec son très beau « Il faudrait s’arracher le cœur »  (Editions de L’Olivier) qui vous embarque d’Asnières à Belleville en passant par Clichy dans une série de nouvelles liées les unes aux autres comme les vies multiples du narrateur. « Je vais devoir vous laisser » dit l’absent qui n’en finit pas de faire défaut et de blesser. J’ai beaucoup aimé… Tout comme Bohème d’Olivier Steiner (Gallimard) que je porte comme un coup au cœur, petit chef d’œuvre de passion virtuelle et de désir qui n’en finit pas de bousculer la vraie vie avec ses mails, ses sms. Bouleversant, troublant et profondément dérangeant « En réalité c’est le direct mélangé à la distance physique qui me donne le vertige. A quelle heure ne répondez-vous pas ? » « J’ai l’impression que le monde entier vous aime à travers moi »

C’est bien aussi  Le Chapeau de Mitterrand d’Antoine Laurain (Flammarion), Héloïse est chauve d’Emilie de Turckheim (Editions Héloïse d’Ormesson) et celui que je viens de commencer , L’eau Noire de Fabrice Gaignault  (chez Stock) Il m’envoie une claque dès la page 15 « Son nom n’apparaît jamais et il en éprouve fierté et soulagement à l’âge où chacun voudrait que son existence ressemble à un intestin soumis à une coloscopie publique » Voila de quoi soigner les vanités blogueuses… Et d’autres plus politiques…  « Est-il fou, naïf ou finalement simplet comme le sont la plupart des gens brillants lorsqu’ils s’aventurent hors de leurs zones de compétence ? »

Et puis j'ai hate de découvrir les autres romans de la sélection du Prix Rive Gauche : Le rêve de l'homme lucide de Philippe Ségur (Buchet Chastel), Dieu, ma mère et moi de F.O. Giesbert, L'Eclaircie de Philippe Sollers et Une année studieuse d'Anne Wiazemsky, tous les trois chez Gallimard...

Après, je retourne écrire les jours de pluie et les autres.

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Un bien long dimanche

22 Avril 2012, 16:14pm

Publié par Sybille de Bollardiere

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La charge symbolique du pédalo

20 Avril 2012, 22:09pm

Publié par Sybille de Bollardiere

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Une vague idée de ce qu'était le bonheur...

16 Avril 2012, 13:56pm

Publié par Sybille de Bollardiere

L'amour en zone inondable, extrait du roman (à paraître un jour)L'amour en zone inondable

Le décor de l'amour en Zone inondable, Le port de Fécamp

 

Martin Hamel avait toujours beaucoup aimé sa mère, trop pour espérer en être délivré. Il continua de l’aimer au-delà de sa mort, mais dans cette terreur froide qu’elle lui avait inspirée. Enfant, même aux pires moments, il n’avait jamais rêvé d’être heureux, le bonheur avait à ses yeux quelque chose de choquant, d’obscène. Pour lui, l’essentiel était de devenir un adulte convenable.

Martin était né à Fécamp au tout début des années 70, il avait passé son enfance dans cette même région auprès d’une mère habillée en orange avant qu’elle n’adopte définitivement le gris et le versant mélancolique de sa dépression. A son adolescence, Natalie (elle tenait à son nom « sans h »pour se démarquer d’une vie ordinaire et sans éclat) n’était plus depuis de longues années qu’un soleil éteint dans le canapé marron du salon familial. « Je suis fatiguée, sois gentil d’aller dire à ton père… » Était la phrase redoutée par Martin ; elle annonçait les habituels désastres de fin de semaine quand sa mère allait dormir et qu’on ne pouvait plus la réveiller. Parfois elle disparaissait et on la retrouvait soit au grenier, soit dans le coffre de sa propre voiture, recroquevillée sur elle-même, couverte de son vomi. Elle pouvait aussi aller marcher le long des falaises et revenir brisée de ne pas avoir eu le courage de se jeter dans le vide.

En dépit de l’acharnement que déploya son père pour lui assurer une éducation exemplaire, Martin ne se souvenait pas d’avoir été brillant ou ambitieux, d’ailleurs personne ne souhaitait cela autour de lui. C’était un garçon calme qui trouvait sa satisfaction dans des joies simples. Excellent en sport, bon en math, il eut certaines difficultés dans les sciences humaines mais par chance, il commença ses études de médecine dans les années où les humanités n’y avaient plus aucun crédit. Il fut content d’obtenir son diplôme, comme il l’avait été de ses exploits sportifs, de son bac et de sa première expérience sexuelle avec Sabine, sa voisine de cour de code.

S’il n’avait jamais été vraiment heureux, il n’avait pas été à proprement parler malheureux non plus. Sauf une fois peut-être, quand il avait vu sa mère revenir d’un long séjour en clinique, abrutie de lithium et dévastée par les effets secondaires. Il avait fui, recherchant pour lui-même les images de celle qu’il avait tant admiré malgré ses hauts, ses bas, son épouvante et ses fracas. Il revoyait la Natalie de la grande époque quand, son père parti pour quelques jours, elle profitait de sa liberté pour entrainer son fils aîné dans ce qu’elle appelait « la tournée des grands ducs » ; Martin n’avait que  huit ou dix ans mais il se souvenait de ces départs en voiture vers l’ouest. Natalie roulait à tombeau ouvert en écoutant son top 50 : Bonnie Tyler, Mylène Farmer, Jermaine Jackson. Ils descendaient dans le meilleur hôtel du Mont Saint Michel, elle prenait la plus belle chambre, ouvrait la fenêtre sur la baie et commandait du champagne. « Tu vas voir ça mon petit, la mer remonte à la vitesse d’un cheval au galop »... Elle lui racontait Tomblaine, les filles perdues noyées, les amants qui ne viennent pas et les maris toujours plus puissants. Après quelques jours de somptueuse cavale, la vie ordinaire reprenait ses droits et Martin tombait soulagé dans les bras de son père. Il s’endormait à l’arrière de la Mercedes durant le retour au bercail et le lendemain reprenait l’école le cœur un peu serré mais rien de trop. Le calme était revenu à la maison et « les grands ducs » attendraient sa mère au Mont Saint Michel, à Etretat ou à Paris. Paris, la ville où il fallait étudier pour survivre à Fécamp, à la sardine, aux eaux usées sur les galets. Oui, Martin avait toujours fait ce qui était prévu, il était parti pour Paris et voila que, des années après, il revenait. Au moment où commence le récit de Blanche, il n’avait toujours qu’une idée vague de ce qu’était le bonheur.


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