Les Pouilles 4, Lecce
7 septembre
Santa Maria di Leuca
Après une journée à Lecce, écrire au bord de l'eau, au confluent des eaux ioniennes et adriatiques le plus profond bonheur imaginable. Écrire pour soi, tacher les pages du cahier au gré de l'encre et des embruns, se moquer éperdument de tout ce qui n'est pas « encre », sang noir de mon crane qui se délivre face au bleu. Oublier les livres et jusqu'à l'idée d'un livre, se contenter de laisser la trace des journées d'ici. Lecce, une ville massive, lourde, on dit baroque on dit aussi « La Florence du sud » pour moi c'est une perle ocre et noire sur l'océan des anciennes terres d'oliviers, une ville mille feuille aussi belle que ténébreuse et peut-être plus encore. Dès la piazza Sant'Oronto le ton est donné : un amphithéâtre romain, ses gradins intacts tout comme la porte par où ont dû pénétrer fauves et lutteurs. Lecce vénéneuse en ce jour d'orage où le ciel se déverse sans ménagement sur les dalles glissantes des ruelles, où le ciel noir traversé d'éclair se déchire en bleu pour reprendre une teinte de ténèbres. Nous avons remonté trempés, la Via del palazzo del Conti di Lecce, longé les murs terre de sienne où des coulées noires nous invitaient à lever les yeux vers les balcons incroyablement et fastueusement ornés, sculptés.
Par ce qu'il pleuvait encore, nous avons cherché la via Asciano Grandi et l'incroyable musée Faggiano. Un petit miracle archéologique qui commence par une banale histoire d'humidité.Je vous laisse découvrir le musée sur son site : http://www.museofaggiano.it
Je suis encore émue autant par cette visite que par cette incroyable histoire. Dans les années 80, un homme, Faggiano (le père du guide qui me raconte l'histoire) achète cette maison de ville de Lecce pour en faire son habitation. Lors des travaux d'installation il remarque des problèmes d'humidité qui l'amène à découvrir le passé de cette étrange demeure qui remonte au moyen âge et fut tour à tour demeure patricienne et couvent...
J'ai pris un certain nombre de photos des lieux notamment les céramiques très
anciennes qui protégeaient les murs de l'humidité lors de la descente des eaux du toit ou celle plus troublante d'une tombe de nouveau né... Une tombe si petite qu'on ne pouvait y mettre qu'un enfant mort né ou un enfant qui n'avait pas à naître et j'ai pensé aux mœurs de certains couvents que l'on commence à évoquer... La tombe se trouve entre deux portes, elle était invisible anonyme. C'est le côté vénéneux de Lecce car il est probable qu'une grande partie des maisons du centre historique ont des histoires semblables à révéler.
Journal d'Italie Les Pouilles 2019