Le temps qu’il fait, gris bien sûr, le temps de rien, gris aussi, alors je dessine en noir et blanc des hivers anciens. Un temps archivé où le soleil horizontal installait pour quelques heures l’été sous les combles. Même les larmes avaient un goût de bonheur, elles s’étalaient sur le pain grillé entre une couche de beurre et la confiture d’orange amère, à l’heure du thé.
La peur, le premier mot qui me vient quand je repense à ce jour de juillet 2015. Anvers – Rotterdam, file de gauche sur l’autoroute de l’angoisse. Les pneus des camions à hauteur des yeux comme des broyeurs immobiles prêts à se déporter pour vous engloutir. On roule depuis des lustres, la malbouffe se balade dans nos tripes, deux sandwichs trop mous avalés au Subway de la banlieue de Lille. Poulet, oignons doux, moutarde, salade, tomates et pain noir, le tout arrosé de Coca zéro. Le camion, son camion, un Traffic blanc malmené qui flirte avec les rails de sécurité, avale les kilomètres au son de Led Zeppelin. Sourde, aveugle, je n’entends que ma peur qui voudrait crier et se contente de maudire. Qu'est-ce que je fais là ? Sous l'épaisseur des nuages, mon histoire se décolle de moi comme une vieille peau. J'ai soixante-quatre ans, des kilos en trop, mais je fais encore illusion alors on continue ! C'est ma dernière bataille, je le sens, je ne veux pas la perdre et tant pis si celui qui conduit joue avec ma peur.
Blouson de cuir, jean crasseux et cheveux en bataille, mon bad boy sexagénaire n'est pas en reste lui non plus. Avec un AVC, et quelques stents, ses artères sont des capricieuses qui menacent de se rompre au moindre cahot sentimental. Nous avançons dans nos vies réciproques à tâtons. Il ne prend aucune précaution sur cette route de malheur qu'il s'enfile depuis vingt ans. Vingt ans d'allers et retours entre La Frise et la Normandie pour échanger des toiles contre quelques frusques, une voiture contre des hypothèques. Il roule tête baissée, les yeux rivés vers ce mur opaque de pluie que la file des poids lourds soulève en gerbes. Depuis des heures, nous n'avons plus pour horizon que cet océan de bitume où son camion vrombit en remontant vers le Nord. A l'arrière, un matelas en mousse jeté à même le sol, ma valise, quelques cabas en guise de sacs de voyages, des vêtements épars, un bidon d'huile, des canettes de bière et des bouteilles d'eau qui roulent au gré des mouvements de l'habitacle. (...)
Nous avançons sous la haie des sentinelles rouges et blanches des éoliennes immobiles. Autrefois, comment était le paysage ici, quand nous roulions mes frères et moi vers Groningen dans les années 60 ? Non, ce n'était pas en voiture, mais en train... Peu de souvenirs, enfin, peut-être un compartiment gris et nous quatre en noir et blanc serrés les uns contre les autres sur la banquette en skaï surmontée des photographies du rail, des ponts enjambant des vallées, des précipices. Paysages sépia encadrés de métal sous les filets où nous rangions nos gourdes, quelques illustrés, nos imperméables. Même en été, nous emportions toujours un imperméable, des bottes, on ne sait jamais. Ma mémoire a fait le tri. Si nous sommes tous les quatre, ensemble sur les photos en noir et blanc, je suis seule dans mes souvenirs en technicolor.
"A l’instant où il fit connaissance de Lilli, Martin sut qu’il allait l’aimer affreusement. Il ressentait déjà en lui la douleur de cet amour fatal mais aussi la volupté de son propre abandon. Il lui semblait que toute sa vie passée n’avait été que le prélude de ce moment où le regard bleu de Lilli croisa le sien. Martin le raisonnable, Martin le tiède, tenait enfin son supplice, sa douleur, il allait pouvoir expier, non seulement ses fautes anciennes, mais sa nature tout entière. Lilli le possédait intimement, aussi sûrement qu’il pressentait déjà sa perte. Comment avait-il fait pour ne pas la rencontrer plus tôt ? Il croyait ne rien ignorer de ce village, en fait, il n’en connaissait que quelques pêcheurs, la grève, les bateaux et sa cantine habituelle, rue de l’Eglise."
J’ai terminé ton roman, l'ai lu comme on lit un polar passionnant (ah, me disais-je, cette femme léopard, va-t-on la découvrir ?). oui, la construction est sérieuse, précise: tu ne nous perds jamais entre l'Afrique et l'Europe. Les hommes sont des archétypes qui meurent, les femmes prennent les armes, n'ont pas le temps dans la tourmente de pleurer leurs hommes; l'enfant Marco et l'hippopotame; les objets transportés à l'autre bout du monde et que finalement Julia abandonnera pour le seul goût indicible du miel.
Tu as écrit un château fort, le prochain se souciera-t-il moins des arcs-boutants ? J'espère ton livre en de bonnes mains nombreuses et t'embrasse bien.
Emmanuelle G. (Comédienne)
J'ai lu en revenant à pied chez moi les 90 premières pages de ton livre (j'aime bien lire en marchant dans Paris), franchement, j'ai trouvé ça vraiment agréable, super bien construit, du Simenon "au féminin" (dans le type d'intrigue), et possiblement je trouve un livre populaire... la construction est assez subtile, en tout cas très bien menée, on ne voit pas les coutures, et on passe de l'Afrique/scolopendre à la Loire, à la Belgique, puis de nouveau direction l'Afrique sans cahots, et on sent que ça va pas être du gâteau même si l'initiation va être fertile... Bravo, c'est agréable de lire quelqu'un qui maîtrise son sujet, et je m'enfonce avec plaisir dans tes pages....
C'est un roman dans lequel on s'enfonce en voyageur, avec en ligne de frise (la bonne expression?) le portrait d'une femme paradoxale, une dure à cuire ou un coeur d'artichaut on ne sait trop, ça fait partie de l'énigme, car il y a aussi une énigme, des trafics et des coups de feu... à mon avis, ça pourrait un de ces quatre se retrouver à l'écran...
Rémi Karnauch (Ecrivain)
j'ai enfin pu me procurer une femme d'argile à la fnac et me plonger dedans j'aime beaucoup; d'abord c'est très bien écrit, ton style me rappelle celui de chateaubriand (en toute simplicité…)et cette femme est attachante
Anne B. (Lectrice)
Je rentre à l'instant d'un très beau voyage qui me fit marcher pieds nus dans les rives ensablées de la Loire et perdre la raison douce dans le poétique Makuliti. Je quitte à regret mon guide, cette Julia exceptionnelle dont j'aime à jamais les noirceurs et son goût du miel pygmée. C'est un très beau livre et je vous remercie de l'avoir écrit.
Grégoire Delacourt (Ecrivain « L’écrivain de la famille, Lattès 2011)
Je viens de finir la lecture d’une femme d’argile et je suis très triste de quitter Julia l’héroïne attachante et les paysage magnifiques de l’afrique. Merci
Antoine H. (Lecteur)
Envouté dès les premières pages, pris dans les vapeurs africaines comme si on y était. Je ne le lâche plus…
Henri (Lecteur)
Ce livre me passionne et surtout l’héroïne. Pour moi il devrait faire partie des best seller de la saison
Eric M. (Lecteur)
J'ai beaucoup aimé. Merci pour ce beau voyage.
Arnaud L. (Lecteur)
Je suis plongée dans ton livre ; magnifique ; histoire prenante ; style fluide; très belle écriture…
Lydia T. (Lectrice)
J’ai adoré ce livre, très bien écrit et passionnant tant pour l’intrigue que ce qu’il nous apprend sur le pays.
Eliane (Lectrice)
Je viens de terminer "une femme d'argile"...!
Un grand merci de nous faire revivre ces moments intenses qui ont tant marqué notre existence de "vagabonds" africains !
Bravo... l'histoire est intense et captivante. Et bien sur, même si c'est un "roman-fiction"... on est obligé de s'identifier aux personnages décrits (et si bien décrits...) que l'on semble avoir croisés dans notre expérience congolaise.
Raynald J. (Lecteur)
Moi je le dévore.... Souvenirs souvenirs... Mais j'avais oublié beaucoup de choses!!!! J'adore ta façon d'écrire j'attends ton prochain roman avec impatience (je pense qu'il est terminé)! Merci de m'avoir permis de revenir sur les rives du fleuve Congo et au bord du Djoué...
Dominique H. (Lectrice)
... on découvre le Congo c'est super j'ai été envoutée par le paysage on rentre dans la peau de l'héroine un petit livre bien épais que j'ai eu du mal abandonné un chef d'oeuvre j'ai hate de lire un autre roman de cet auteur
(Lecteur anonyme, commentaire sur le site de la FNAC)
Je tenais à vous dire que je me régale à la lecture d'une" femme d'argile" un délicieux moment de lecture, d'oubli de la vie trépidante à Paris.