Les nuits d’Antibes
Au coeur de l'hiver, du fil des souvenirs
tisser les nuits abrégées
L'enfance ou ce qu’il en reste
Réminiscences d’une saison dans le sud
La couleur de l’aube, le parfum des pins
Et, dans la rumeur des cigales ou la touffeur de midi
La gifle muette du désir
Délaissant la sieste et l’ombre rayée des persiennes
La trace de mes pas signait ma fuite vers le jardin interdit
Paradis au goût de muscat et d’orange
D’où je guettais dans la chaleur froissée des eucalyptus
L’oeil noir de mon étrange minotaure
Il aimait la mer, ses fruits et ses mystères
Mais les jours de vent, délaissant la côte
Il ratissait les fanes du soleil à l’ombre des oliviers
Sombre et majestueux dans ses silences
Mon géant mutique régnait sur la colline
Avec des yeux plein d’abîme et de ciel,
Un dos puissant, une blessure secrète
Avant de redescendre torse nu et sac à l’épaule
Vers la rumeur du port et la mer étincelante.
Cet été-là, dans la lumière de mes dix ans
Pour le fils de Pasiphaé et d’un monstre aphasique
J’ai rêvé d’être femme ou vague des tropiques
De faire danser la mer de ce sombre marin
Pour l’emporter libre, la nuit sous les étoiles
Vers les feux balayés du phare de la Garoupe
Et plus loin encore aux limites du monde.
13 février 2023