Solstice d'hiver
Ce soir c’est la longue nuit de décembre, la nuit du solstice, la Saint Jean d’hiver à l’opposé de la Saint Jean d’été. L’évangéliste, le verbe, face au Baptiste. Longue nuit du nord que les celtes assimilaient au commencement, aux ténèbres primordiales, image du noir profond, cette non-couleur dont on obtient le pigment en peinture par la crémation des os, des dents et de nombreux végétaux. C'est avec cette matière que les hommes de Lascaux ornaient la voûte des grottes. Le noir toujours, pour représenter le Nord, le renoncement, la réflexion, la saison des pluies, la terre, la patience, l'attente, mais aussi la fécondation.
« Je chanterai la nuit mère des dieux et des hommes » disait Orphée
La nuit a toujours symbolisé la disparition de toute connaissance distincte, de toute évidence avant le retour de la lumière. En regardant cette photo prise hier dans l’après-midi, c’est à ces mots de Francis Ponge que je repense : « Il ne faut cesser de s’enfoncer dans sa nuit, c’est alors que brusquement la lumière se fait »
Que cette porte s’ouvre vers autre chose, d’autres mots, un autre regard sur la vie et ce qui nous entoure.
Le solstice de décembre est aussi dédié à Saturne dont l’attribut est le sablier, mais surtout à Janus, le dieu romain aux deux visages qui règne sur Janvier et tout se rejoint…. Saturne-Chronos, après avoir été chassé du ciel par son fils Jupiter fut accueilli par Janus. Janus c’est la divinité du changement et de la transition, les romains l’appelaient le portier du ciel ; c’est le dieu de l’origine, protecteur de tout commencement.
Voila pourquoi je tiens tant à cette nuit sacrée et ce soir dans ma vallée, je m’assiérai devant un feu de bois pour lire ce poème de Rilke :
« Forte étoile qui n’a nul besoin d’assistance,
Et que la nuit peut accorder à ses compagnes,
Elle qui doit d’abord se faire obscure pour qu’elles s’éclaircissent
Etoile qui déjà s’accomplit, qui plonge
Quand les astres commencent leurs parcours
A travers la nuit lentement levée.
Grande étoile des prêtresses d’amour,
Qui, attisée par son propre sentiment
Jusqu’à l’ultime instant transfiguré et sans jamais tomber en cendre,
Va sombrer au lieu même où le soleil sombra :
Devançant les levers multiples
Par ce pur déclin.
…….
Montre à la nuit que tu reçus silencieusement
Ce qu’elle a apporté
Ce n’est que lorsque tu te seras confondu avec elle
Que la nuit te connaîtra
…….
Extraits de Poème à la nuit de Rainer Maria Rilke