Les livres ne sont pas des maisons closes
De certains livres, je garde en mémoire des phrases qui n’ont jamais été écrites. Fenêtres béante sur les mondes qu’ils ont découverts, ces livres là ferment la marche et portent en eux nos maux à venir. Nous les aimons en nous y égarant, aveugles, illuminés dans ces lieux hantés où nous guident nos propres ombres.
Quoi de mieux qu’une dérive d’écriture au gré des courants ? Lecture en marge du temps, écriture dans l’interstice, palpitante, troublée. L’auteur s’oublie entre deux pages et le lecteur le cherche en quatrième de couverture, qu’importe ! Les livres ne sont pas des maisons closes mais des chemins qui s’offrent en pâture, des plaies ouvertes sur des ciels livides.
Ils ont longue vie avant de disparaître sous nos yeux, cinq ans, dix ans, parfois toute une vie d’homme avant que leurs mots, par nous sucés, psalmodiés, les effacent et nous appartiennent. Mais on s’en tiendra là. Ecrire et lire sont des plaisirs dormants dont la nécessaire solitude interdit ou limite les débordements.
Précédemment publié le 23 septembre 2010