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Sybille de Bollardière
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L'eau interdite

12 Mai 2014, 09:02am

Publié par Sybille de Bollardiere

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A l’ouest dans ce pays où il ne fait beau que le soir, chercher le ciel dans le bleu d’un étang. Elles sont si rares les eaux libres ici. Le plus souvent elles courent dans les champs étranglées entre saules et barbelés quand elles ne se cachent pas vertes ou noires, dans le fouillis des bois. Défense de pénétrer, Propriété privée. La belle chartreuse a fait peau neuve et s’abrite désormais derrière les interdits. 


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Le pain de mai

9 Mai 2014, 10:05am

Publié par Sybille de Bollardiere

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En finir d’Avril

Ce matin, passer de l’ordalie amoureuse de Quignard au jugement des pluies. Vrombissement des tondeuses sous l’averse et pourtant je reviens sans cesse à cette attente de bleu et de vent suspendue à l’orage, au bonheur inouï d’être là dans le souvenir étendu, de demeurer celle qui ne cesse d’épeler tes noms de solitude.

Commencer Mai en Baie du Mont Saint Michel

Des continents de nuages défilent au-dessus de moi, des pays inconnus, immenses qui frôlent de leurs ombres ces champs maritimes où l’on cultive l’huitre et le silence en guettant les marées.

Le pain de Mai :

Quand les pluies traversaient la vallée, j’ai fait mon pain. De l’épeautre, du blé complet et du levain qui reposent avec les mots du poème, près du poêle. Des mots, il faudra que j’en trouve de nouveaux pour décrire cette crainte où je suis rentrée hier. Une crainte froide et sèche comme la nuit.

Le secret est dans ma chambre. Il attend et me guette en silence, il n’est ni menaçant ni craintif, seulement patient. Il attend son heure. Cela fait si longtemps qu’il me regarde m’agiter, parler, écrire, dessiner, fuir. C’est lui qui m’a conduite ici dans l’étroite vallée, cet écrin de silence où l’on fait son pain en pétrissant les nuages et d’anciennes larmes.

Et maintenant le soleil signe un coquillage sur la table où le pain refroidit. Je voyage désormais entre les lignes d'un livre à ne jamais finir.

 

 

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Ca se passait au Chesnay en septembre

12 Avril 2014, 10:02am

Publié par Sybille de Bollardiere

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..."Ça se passait au Chesnay en septembre. Toute la famille regardait les nouvelles à la télévision et l’on venait d’annoncer un documentaire sur la dernière guerre avec quelques extraits. Alice s’est levée pour se diriger vers l’entrée. Irène l’a suivie et l’apercevant de dos dans la lumière du soir, elle a saisit son Nikon sur la console. Ce n’était pas le moment, c’était presqu’indécent mais sa mère n’a pas protesté et Irène a continué. Sur les premiers clichés, on voit sa mère de trois-quarts, sa nuque sous le chignon relevé, la naissance de la mâchoire avec un léger pli sous le menton qui signale l’émotion retenue, l’imminence des larmes. Puis Alice s’est redressée, a regardé par la fenêtre de la porte d’entrée le temps qu’il faisait, ou le temps qu’il ne faisait pas, peut lui importait. Elle n’avait pas de regard, pas d’expression, on aurait dit qu’elle s’était complètement vidée entre les poses. L’éclairage rappelait celui d’Ingrid Bergman filmée par Mickael Curtiz dans Casablanca. Ces photos impromptues la révélaient en noir et blanc, irradiée de lumière - probablement le soleil entre deux pluies par la lucarne de l’escalier. Elle ne portait qu’un simple pull-over à même la peau dont elle avait intentionnellement mis le décolleté en pointe, sur le dos. Aucun bijou, seulement ce V qui descendait entre ses omoplates dans l’axe de sa nuque. Irène comprit ce jour-là que sa mère était une héroïne et qu’il fallait en garder cet aspect-là et seulement ça. Elle ne serait jamais vraiment sa mère en dehors de ce cadre."

Extrait Les Mauvais sentiments

 

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Inventaire de fin de semaine

4 Février 2014, 16:01pm

Publié par Sybille de Bollardiere

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Lundi

Un train de semaine avec autant d’arrêts que de soupirs. Je finis ma nuit contre la vitre d’un jour tardif, j’épelle ton nom et l’accroche aux lisières qui défilent.

Mardi

Saison de pluie et d’écriture. Dans l’attente, je vis dans l’intimité de deux bûchers, vases communicants d’un hiver doux qui ne réclame que quelques écorces de bouleau.

Mercredi

Jardin minuscule au cœur de l’écorce, refuge dans l’interstice des pierres gorgées d’eau. Face à la persistance des pluies, j’adopte l’obstination du lichen et colonise le gris de l’hiver.

Jeudi

Dernière journée de bitume et d’ennui. J’ai laissé tomber mes chaines et j’attends debout sur un quai de gare, l’inspiration des années à venir.

Vendredi

Le vent noir de l’oubli n’a aucun pouvoir je le sais, tu portes sous la peau l’encre de mes doigts, ceux des mots à venir pour que je me souvienne.

Samedi

Dans l’écart des nuits, à distance raisonnable, nous enveloppons nos silences de souvenirs, échangeons nos enfances en se regardant fuir vers l’horizon sépia d’anciennes images. Toi avec ta valise de fer blanc et moi dans ma robe à volants.

Dimanche

 Inventaire de fin de semaine. Sur le bleu répandu et le miroir des champs, je file vers l’ouest, le cœur tatoué et la mémoire à genoux, prier pour ceux que j’aime et ceux que je devrais aimer et demain tout recommence. 


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