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Sybille de Bollardière
Autrice de romans, chroniques et poèmes. Atelier d'écriture en ligne et en présentiel, photos.
Les mots, l'oubli
Hier il pleuvait sur le Trégor, occasion de visiter le Château de La Roche Jagu, ses jardins médiévaux et de découvrir un mot oublié, entre guillemets dans les guides: talemeliers ou boulangers du Moyen-âge. Talemeliers ou Talmeliers à l'étymologie controversée, viendrait du vieux-francique «tarewamelo» qui signifie farine de froment, lui-même lié au mot néerlandais Tarwemeel composé de tarwe (froment) et de meel (farine).
«Nous ordenons que les estranges talemeliers puissent amener au mercredi et aus autres jours pain à Paris pour revendre.(Ordonnance de Philippe le Bel sur les métiers de Paris, 1307, Paris, Archives Nationales)
Au premier et au second étage du château, entre la vue sur les jardins et celle imprenable sur les méandres de la rivière du Trieux, l'exposition d'Yvon Le Corre, un peintre navigateur. Carnets de voyages, d'Irlande, d'Arctique et d'Antarctique, du Brésil... Portraits, toiles abstraites, l'homme «ivre de mer» et d'espace nous entraîne dans sa quête autour du globe jusqu'à ces mots sur lesquels je bute comme sur les pierres de mon propre chemin: «Au début c'était le trait le point de départ...» «Il se repose de sa vie... La couche sur le papier...» Plus tard, les pieds trempés sous la coque de navire du toit, j'ai attendu le vent...
Vers l'ouest en caravane
L'ailleurs
Où commence l'ailleurs ? Par définition là où je ne suis pas. Là-ba, quelque part, nulle part. De l'autre côté, sur l'autre rive, dans un monde que je ne connais pas encore et que j'explore au fil des pages d'un roman où sur les méandres des cartes.
Nous sommes séparés de l'ailleurs par une frontière invisible, un territoire qui nous fascine. Face à la monotonie du quotidien, d'un paysage, l'ailleurs est une invitation au voyage, à la rêverie. Parfois une fuite, une promesse d'errance, un exil pour mieux se retrouver.
L'ailleurs est une conquête, la langue que je ne parle pas, l'abîme qui m'effraie et les sommets qui m'attirent mais aussi l'autre, l'inconnu, l'étranger, le différent.
L'ailleurs en soi comme un arrière-pays où se perdre avant de s'y ressourcer.
Aujourd'hui l'ailleurs est ce village de l'autre côté de l'eau, ses toits d'ardoise ramassés dans le repli du plateau entre les prés et le moutonnement des chênes et des châtaigniers. L'ailleurs est cette voile qui quitte Garel et remonte vers le nord.