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Sybille de Bollardière

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Albaminor

16 Janvier 2021, 09:35am

Publié par Sybille de Bollardière

#ARIF (Alternative Reality Illustrated Fiction) Précédent épisode Jonas aux cent mémoires

Il aurait dû neiger cette nuit mais rien, dehors, rien que le gris profond d’un matin de janvier sous un ciel immobile. La campagne semble figée dans le givre et l’attente, pas un souffle, pas une lumière.

Un temps pour écrire mais voilà, je n’écris pas, je n’en n’ai plus envie tout simplement. Les fictions m’ennuient et les confessions m’irritent, comment rajouter une seule ligne à ce qui a déjà été fait, écrit, lu et ressassé ? La pandémie gagne du terrain mais ne décourage pas les nostalgiques d’un paradis perdu, alors je vais garder mon enfance et mon chagrin pour moi. Je les sèmerai au long des chemins d’hiver en rêvant d’un autre temps, de la littérature de demain, des livres du futur. En attendant, je fais un pas de côté, j’entre dans l’illusion, la fiction alternative et le désir quantique et ça tombe bien, Jonas est là avec sa vie, son histoire…

 Impossible de savoir précisément l’époque de son séjour à Albaminor. Lorsque je le questionne pour avoir des précisions, il émet un curieux sifflement semblable à un soupir de lassitude, avant de me répondre : « Le temps global n’est pas tout à fait comme tu le conçois… essayons d’en faire abstraction pour l’instant ! »

Faire « abstraction du temps pour l’instant » est une injonction qui me stupéfie, d’autant plus que le temps a toujours été mon fond de commerce. Le temps je le bouscule, je le dépasse, j’en fais provision, je le décris, je le prolonge, je le savoure, et maintenant je le regrette… Un certain temps me manque déjà… Alors comment fait Jonas pour évoquer avec nostalgie son temps incertain entre deux réalités ?

« Dès notre arrivée sur Albaminor nous avions dû remettre en état la base détruite par le dernier ouragan. Igor W25, le responsable resté sur place avait relevé des vents supérieurs à 300 km/h. Par chance, aucune navette-cargo n’était stationnée sur le site et les équipes présentes travaillaient dans les galeries de la mine de Nésis. Après les travaux de remise en état et l’installation d’une base provisoire, je suis allé à la découverte des lieux. A l’est des anciens lacs où se situent les mines de lithium, j’ai découvert l’ensemble du cirque naturel formé par les monts Altar et dans le ciel d’encre d’Albaminor, la splendeur impressionnante d’Eris, sa planète satellite… »

Le temps d’un dessin, j’ai délaissé ma lecture. Il ne neige toujours pas. Dans la caravane couverte de givre, le poêle ronronne, Jonas m’attendait avec un café. Il m’installe devant ses écrans et d’un clic m’ouvre un autre monde. Apprendre, c’est le plus beau des voyages.

« On va commencer par le début : « Qu’est-ce que l’entropie ? Le rayonnement du corps noir…ça dure un peu moins d’une heure et l’avantage en distanciel, c’est que tu peux mettre en pause pour prendre des notes… »

A suivre : Avant la neige

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Jonas aux cent mémoires

14 Janvier 2021, 14:13pm

Publié par Sybille de Bollardière

#ARIF (Alternative Reality Illustrated Fiction) 
Précédent épisode Le chat de Sakhaline

Hier j’ai passé un long moment dans la caravane avec Jonas. Il était plutôt satisfait des réactions des lecteurs à la suite de la publication du Chat de Sakhaline. Bien décidé à poursuivre l’aventure, il comptait se remettre très rapidement au travail. Quand nous avons évoqué les raisons qui le poussaient à vouloir participer à un atelier d’écriture en ligne, il m’a répondu : 

« Ecrire ma vie …

- Oui mais qu’est-ce qu’une vie de robot ?

- Une mémoire…  M’a-t-il répondu en me fixant profondément de son œil bleu.  Puis il a ajouté sans ciller :

- Et ma mémoire en contient beaucoup d’autres… Tu comprends ? 

Non je ne comprenais pas vraiment ou je n’avais tout simplement pas envie de l’écouter.

- Je préfère te lire Jonas…

- Il y a pourtant un moment où nous devrons parler… J’ai besoin de tes conseils… Par où dois-je commencer ?

- Ecris ce qui te vient à l’esprit, nous mettrons de l’ordre après.

- Alors je vais raconter ma vie à Albaminor…

Jonas est retourné à son clavier tandis que confortablement installée dans le fauteuil face à ses écrans inter sidéraux, je me suis laissé aller à rêver devant le ballet des satellites et des étoiles. Un monde inconnu et silencieux, la nuit intergalactique. Ou était-il celui que j’aimais ? Pourquoi depuis un an ne pouvais-je l’imaginer que flottant seul et perdu dans cette immensité glacée ?  Jonas a interrompu ma rêverie :

- Tu le cherches toujours ?

- D’une certaine façon oui !... Mais comment sais-tu de qui je parle ?

- Je te regarde depuis quelques semaines… J’ai visité ton jardin et puis tu oublies que je te lis aussi. Il fait très beau, veux-tu que nous allions marcher ?

Non, c’était gentil de me le proposer, mais je n’y tenais pas, la vue sur le jardin depuis la caravane me suffisait. Il commençait à faire froid et le soleil se couchait. J’ai allumé le poêle et Jonas s’est remis à écrire. J’ai admiré la finesse de ses mains, l’agilité et la vitesse avec laquelle elles effleuraient les caractères.  Concentré sur son écriture, il n’a pas réagi lorsque je me suis levée. Il relisait chaque phrase écrite à voix haute pour en vérifier l’équilibre et la fluidité.

« Albaminor était pour nous la planète idéale, la terre promise du système Képler 62 dont nous rêvions tous, enfin autant qu’il est possible à un Androïde de rêver. Nous étions conditionnés pour l’atteindre pour l’exploiter, pour en tirer le meilleur parti et nous nous pensions libres. La planète satellite recevait suffisamment de lumière de la naine orange pour que les androïdes de Svobodny2 puissent y travailler, forer, et recueillir les précieux métaux que les navettes cargo se chargeaient de rapporter. Le problème, c’est que je n’étais pas réellement un robot de Svobodny. Si j’avais séjourné presque dix ans sur Sakhaline, suffisamment de temps pour connaitre des générations de robots et de chercheurs des bureaux d’études, je venais d’ailleurs, une sorte de rescapé aux cent mémoires… »

Après un rapide signe de la main à Jonas, j’ai refermé la porte de la caravane et je me suis dirigée vers la maison sous une nuit criblée d’étoiles. Moi aussi j’allais rêver d’Albaminor, je me voyais la dessinant, j’imaginais son ciel, d’autres lunes, d’autres étoiles et parmi les vibrations de cet océan en mouvement, peut-être la trace que je cherchais.

Episode suivant :  Albaminor

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Le chat de Sakhaline

10 Janvier 2021, 16:52pm

Publié par Sybille de Bollardière

#ARIF (Alternative Reality Illustrated Fiction) précédent épisode : "Vous avez un message"

Rentrant de Bretagne en ce début janvier, j’ai retrouvé le Perche sous un froid glacial et au fond du jardin, la caravane métamorphosée en base intersidérale. Jonas, confortablement installé face à ses écrans se leva d’un bond à mon arrivée. Après un rapide présentation de ses nouveaux équipements qui devaient nous permettre de nous connecter à n’importe quel lieu de l’univers, il se tourna vers moi.

- Tu as lu mon texte ? Qu’est ce que tu en penses ?

- Je ne suis pas experte en science-fiction mais j’aime bien ce récit et je suis d’accord pour le publier dans l’atelier.

Après quelques corrections, je mis en ligne son texte précédé de la rapide précédé de la présentation succincte qu'il avait rédigée. 

« Robot androïde des années 50 - spécialiste des connexions et de la mémoire, j’ai participé à un certain nombre de projets internationaux avant d’échouer dans le Perche. Voici un souvenir de ma période soviétique…»

Le chat de Sakhaline

A l’époque des faits, je travaillais depuis plus de dix ans sous la direction du professeur Emily Jonakova au bureau d’étude d’une base secrète de OKBS[1] dans l’extrême Orient Russe. Svobodny2 déclarée zone interdite, était située sur la côte ouest de l’Île de Sakhaline face au détroit de Tatarie. Dans des bureaux vétustes et des ateliers envahis par la rouille, nous travaillions sur le projet d’implantation d’une colonie de robots androïde pour l’exploitation d’une mine sur une des planètes satellite de Kepler 62, récemment découverte. Kepler 62S renommée Albaminor, planète rocheuse riche en minerais, était l’objet de toutes les convoitises de Moscou. Notre base se chargeait d’équiper les navettes en robots androïdes avec l’équipement nécessaire aux forages et à l’extraction. Après une escale sur les stations orbitales de Mir ou d’Almaz, les navettes et leurs occupants volaient en distorsion spatiale, vers la galaxie de Kepler 62, l’étoile naine orange et Albaminor, notre terre promise.

Je n’étais pas du voyage pas plus que Boris l’autre robot chargé des chaines de fabrication, un ancien d'OKBS et des équipes d’Emily Jonakova. Après le départ d’un équipage et les longues semaines de travail qui l’avait précédé, Emily m’autorisa à consacrer mon temps libre à la fabrication d’un robot personnel. C’est ainsi qu’est né Vassili. Un chat, appelé couramment aujourd’hui un animat[2], un robot de compagnie capable d’appuyer sur l’interrupteur de vos volets roulants, d’allumer la télévision ou même de réparer une connexion basique. En dehors d’un miaulement assez réussi, Vassili ne possédait ni le langage ni l’autonomie de décision. A la fois agile et puissant grâce à des terminaisons nerveuses efficaces et des griffes rétractiles reliées à un réseau de synapses, il pouvait grimper aux arbres et faire des bonds impressionnants. Par la taille, Vassili s’apparentait plus au lynx qu’au chat européen. Nous nous quittions rarement. Ses yeux pourvus de lentilles vertes et de rayons laser balayaient les longues galeries sombres de la base quand nous rentrions le soir. Avec Boris, nous formions un trio inséparable et au fil des mois de l’interminable hiver de Sakhaline, Vassili devint la mascotte des équipages d’androïdes pour Albaminor.

Tant que nous restions dans le modèle unique, nous n’avions pas de règles précises ni d’interdits clairs concernant la fabrication danimat mais j’appréhendais un ordre de désintégration de Vassili pour des raisons de sécurité. Un matin, Emily Jonasova me prit à l’écart. Il neigeait et malgré le froid glacial, elle me demanda de l’accompagner à l’extérieur des bâtiments. Après avoir longé en silence les quais désaffectés et d’anciens entrepôts, elle m’entraîna sous un hangar dont une partie du toit avait cédé sous le poids de la neige. Elle sortit son paquet bleu de Belomorkanal[3] et alluma une cigarette en soupirant. Je détectai sa peur au son de sa voix, à la tonalité forcée qu’elle prit pour m’annoncer que Moscou « souhaitait une révision de la mémoire de certains robots… » Après une nouvelle bouffée aspirée à plein poumons, elle ajouta : « Boris arrive en fin de cycle et j’ai remarqué chez lui quelques défauts structurels impossibles à effacer… Et puis, pour le remplacer, j’ai un androïde très compétent qui rentre d’Albaminor la semaine prochaine… »

Je connaissais les règles, les usages et mon rôle dans la circonstance. C’était la demande de désintégration de Boris en bonne et due forme. Après cette brève entrevue, nous sommes rentrés en silence le long de la galerie. Au moment d’ouvrir la porte de notre bureau, Emily me précisa : « Jonas, toi et moi travaillons avec Boris depuis dix ans et ce n’est pas de gaieté de cœur que nous nous séparons de lui… »

Comme prévu, le soir même, nous nous sommes rendus Boris et moi à la salle de désintégration située à l’extrémité du bloc Raspad.[4] Résigné à la décision du bureau central, il gardait un silence prudent tout en jouant avec Vassili qui nous suivait en trottinant dans les couloirs. Après la fermeture du dernier sas, j’ai chargé les différents rayons, installé Boris sur le siège de sécurité et verrouillé les bracelets métalliques sur ses poignets et ses chevilles. Il ne m’avait jamais paru aussi grand, aussi dense même si le métal de ses membres commençait à montrer des signes de faiblesses aux jointures. Je me dirigeai vers l’écran de protection quand Boris me retint par le bras :

- Je peux te demander une dernière chose ?

- Bien entendu !

- J’aimerais que tu transfères ma mémoire…

- Boris, tu sais que c’est totalement interdit ! C’est la première chose qu’il vérifieront lors de mon scanner de sortie.

- Je connais les règles Jonas ! Je ne pensais pas à toi… mais à Vassili… transfère lui ma mémoire… Je sais que tu peux le faire…

Oui, je pouvais et je savais le faire. Je connaissais Boris depuis longtemps et si j’ignorais tout de son histoire avant mon arrivée à Svobodny2, je l’appréciais assez pour prendre le risque.

Une heure plus tard, alors que nous quittions le bloc Raspad Vassili et moi, j’entendis un miaulement étrange comme un son saturé de métal froissé. Je me suis retourné. Vassili me regardait et ses yeux semblaient me dire avec gratitude : « Je suis là… »

« Décidemment tu es un peu naïf Jonas ! » Ai-je pensé en me demandant si je n’aurais pas dû vérifier la mémoire et le passé de Boris avant le transfert… Je fis un geste pour l’attraper mais il m’échappa. Je courrais derrière lui en entendant ses griffes d’iridium crisser sur le ciment quand je le vis bondir vers une sortie du bâtiment donnant sur la forêt. En quelques secondes il avait maîtrisé le système d’alarme et ouvert la porte.

Je réalisai que Vassili-Boris m’avait définitivement échappé. Je n’ai même pas essayé de le retrouver dans l’épaisse forêt de conifères où j’ai vu la lueur de ses yeux se perdre cette nuit-là. Après quelques jours, j’ai déclaré dans mon rapport officiel que Vassili avait été désintégré en même temps que Boris pour des raisons de sécurité.

Les mois suivants, les journaux locaux firent état de destructions inexpliquées aux alentours de la base : saccage de bâtiments administratifs, réseaux de câblages sectionnés et puis il y eut une série de crimes d’une violence inouïe sans qu’on puisse les attribuer formellement à un humain ou à un animal. Les victimes étaient retrouvées lacérées sans présenter des signes de morsures. Après avoir évoqué des actes terroristes, la police locale se résolut à conclure à l’incursion d’un lynx ou d’un ours brun affamé, les villageois décidèrent qu’il s’agissait d’un Ourod[5].

La base fut fermée quelques années plus tard alors que je séjournais sur la plateforme Mir. Depuis j’ai découvert tous les détails du passé de Boris dans le camp de réadaptation où il était chargé des cyber-criminels. Aujourd’hui, Svobodny2 renommée Ouglegorsk, n’est plus qu’une bourgade de 9000 âmes, un port de pêche de l’extrême orient russe et seuls quelques villageois parlent encore du monstre dont les traces ont été aperçues pour la dernière fois sur les pentes du mont Lopatine. Mais était-ce bien Vassili ?

Jonas W.S.

 A suivre... Jonas aux cent mémoires
[1] OKBS (russe : Опытное Конструкторское Бюро спутник; translittération: Opytnoïllé konstrouktorskoïllé biouro; littéralement « Bureau d’études expérimental sputnik ou satellite »
[2] Robot de forme animale
[3] Belomorkanal (Russe : Беломорканал) est une marque de cigarettes, à l'origine par l'usine de tabac Ouritsky à Leningrad, URSS
[4] Распад (désintégration en Russe)
[5] Monstre, créature hybride

 

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Vous avez un message

2 Janvier 2021, 09:56am

Publié par Sybille de Bollardière

#ARIF (Alternative Reality Illustrated Fiction) précédent épisode : des livres pour Jonas

1 janvier 2021 - Quelque part au bord de la mer. J'ai commencé l’année par un rêve étrange. Je marche dans les rues de mon village la nuit et je suis Jonas le robot. La rue déserte et glaciale, ne ressemble pas tout à fait à celle que je connais, Je sens le souffle de ma respiration givrer sur le rebord de mon casque et mes bras se balancent le long de mon corps au rythme de mes pas. Je remarque les fenêtres de la maison éclairées comme pour un soir de fête mais pas une voiture ne stationne dans l’étroite ruelle qui s’enfonce dans la nuit. Lentement le rêve s’efface tandis que l’écran de mon smartphone s’éclaire. « Mise à jour » m’annonce le petit robot du système Androïd en tournant sur lui-même. Les notifications du jour s’affichent : Retour de la neige, Tousanticovid est activé, vous avez un message…

La machine à café s’emballe, l’odeur de pain brûlé me réveille… j'actionne l'interrupteur des volets roulants. La mer a la couleur du ciel, pas de vent et quelques oiseaux de mer dont je n'entends pas le cri derrière les vitres isolantes. Retour sur terre en 2021. Parmi les nombreux mails et cartes de vœux électroniques je découvre celui de Jonas.

Jonas W.S. <jonas.ws51@gmail.com
Bonjour et bonne année,
Pas très animé le village un soir de nouvel an ! Je m'y suis promené cette nuit et pas âme qui vive ! Sinon, j’ai trouvé le site de l’atelier en ligne et je me suis inscrit. Voici mon adresse mail et à bientôt car avec le retour de la neige je pense que tu ne vas pas tarder. C’est bien, le bois que tu as acheté ne chauffe pas suffisamment, il faudra recommander du chêne mais on verra ça à ton retour.
A + Jonas 
A suivre : Le chat de Sakhaline

 

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