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Sybille de Bollardière

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Elanion

6 Avril 2021, 10:20am

Publié par Sybille de Bollardière

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Ecrire

23 Mars 2021, 14:19pm

Publié par Sybille de Bollardière

(Tableau d'Hammershoï, déjà publié en 2014)

J’écris, enfin je crois, depuis toujours et pourtant je n’y arrive pas.

J’ai baptisé mon journal « la voie d’accès » mais je sais bien qu’il n’arrive nulle part. Un journal ne se publie pas, ça ne se fait pas. C’est une voie à sens unique dans laquelle l’auteur se délivre avant d’écrire autre chose. Un journal, c’est tabou et insignifiant comme une journée, misérable et grotesque comme la peur, le doute, les faux espoirs et la fatuité aussi.

Au fond l’écriture c’est avant tout une histoire de territoire, un lieu que l’on habite et que l’on défend - sa langue – dans le désordre parfois. Ecrire, c’est violent, doux, familier, étrange, terrifiant éprouvant, passionnel, raisonné et courageux. C’est la vie, mais celle d’à côté et bientôt il ne vous reste plus que ça, cet instant décalé où l’on écrit déjà dans sa tête avec sa sueur d’encre au front.

L’écriture c’est un territoire que l’on surveille et que l’on délimite tout en repoussant sans arrêt ses frontières. C’est le vide, l’attente, le guet, la veille, mais aussi l’épuisement, le relâchement, les mots qui se perdent. La trahison des nuits se mesure au jour dans l’éclat de l’impitoyable lumière. Et ce double qui vous fuit, se rapproche, vous séduit, vous emporte et vous abandonne sans cesse.

Ecrire, c’est nommer, l’innommable parfois. C’est s’avancer à tâtons jusqu’au bord du gouffre, se pencher, vertigineuse, vers cette fosse commune avec la tentation d’en parler et pour finir : la tentative désespérée d’écrire autre chose. « Non, je ne peux pas, mais plus tard, un jour, il faudra bien ». Parfois on se dit qu’il faut écrire un chef-d’œuvre et alors le reste ce ne sera plus la peine, il y le journal pour ça. 

  Comment se délivrer de soi sans encombrer l’autre ? On essaie de transformer la matière de l’écrit jusque dans la moindre de ses particules, on cherche du liant, le balancement des phrases et ses mots conquis en poésie, toujours fidèles au poste. On fait de l’authentique avec la part reniée de soi-même, comme un faussaire qui n’aurait pas le choix… Parce que la fosse est toujours là avec le hurlement des chiens et les yeux jaunes de ceux à qui on n’a rien dit et qui pourtant la devine.

Oui, écrire c’est parfois renoncer à écrire et accepter de pleurer, muette sur ce que l’on ne sait pas transformer. Assis devant l’écran de ses jours gris, le corps s’efface et songe à cet autre dont il avait rêvé. Ecrire à deux voix, je ne demandais que ça, petite, quand j’inventais l’histoire et qu’on me tenait le stylo. La pensée naît du corps, l’écrit est dans son sillage comme une barque sur la mer. Je crois que j’écris comme on prend la mer, pour tout quitter et tout retrouver.

Parfois je crois que je pourrais vivre sans écrire mais cela ne dure jamais bien longtemps. Les chiens sortent de la fosse et puis, il faut tout recommencer… Et les débuts sont si difficiles, on l’oublie parfois. On recommence à écrire…  A regarder « en mots » tout ce qui nous entoure, ça calme et ça éloigne, on devient gentil et solitaire, fréquentable et malheureux. L’écrit c’est un écran entre les autres et soi qui ne cède pour ainsi dire jamais, parfois, on le souhaiterait, par exemple en amour.

J’écris contre la nuit, contre la mort, l’absence et la peur. J’écris pour durer et réparer et tous ceux qui écrivent sont de ma famille, c’est une évidence depuis l’enfance.

Il faut le dire aussi, écrire c’est un bonheur unique, la jubilation même, lorsque l’on s’approche de la justesse sans pour autant quitter la brièveté. Ce que l’on arrive à dire doit tenir entre deux points – Ce pourquoi j’aime les phrases longues…

Bonheur aussi avec la sensation d’être l’élue qui accueille chaque instant deux fois. Femme éponge qui se réjouit avec la vie, chaque manifestation de la vie : ce matin quelques grains de sable poussés par le vent et hier le souvenir du bruissement des peupliers qui inonde une vallée. L’écriture c’est parfois l’immobilité, l’instant pétrifié, saisi, quand on va au fond de soi. Alors on se ravise et on se dit « qu’une autre fois, plus tard » et on va dehors… Regarder ceux qui marchent, rient et se prennent la main, on se met à les décrire, à se les approprier en imaginant non seulement leurs vies, mais leur corps, leur intimité et leur histoire.

C’est comme cela, qu’un jour il vous arrive d’être publiée.              

Publier, c’est cette ouverture vers la lumière, la porte invisible qui délimite un seuil que l’on met pourtant beaucoup de temps à franchir. Publier c’est blanc, propre comme le papier. C’est fixer, délimiter, certifier, corriger et comptabiliser ses mots, son travail. C’est aussi couper, signer et porter son masque, tout en posant son crayon, l’ardeur des nuits et des jours. Il faut se détendre, retrouver son corps, son genre aussi. Quand j’écris, je suis du genre féminin pluriel, j’ai le « nous » facile. Publier c’est revenir au féminin singulier quand on est jeune, au singulier tout court quand on est plus âgée.

Etrange à vrai dire, enthousiasmant parfois. On se dit qu’on en a fini avec la fosse commune, les cris des chiens et cet autre risque qui guette parfois les muses d’écrivain : finir en note de bas de page dans La Pléiade…

Publier, c’est remercier, dédicacer, empaqueter, écouter oui, écouter l’autre enfin. Cet autre qui s’approche un peu gauche et à qui l’on voudrait dire à voix basse :

-  Viens c’est pour toi ce livre ! Lis tout, jusqu’au bout ! Tu aimes ? Non ne me remercie pas, je vais recommencer.

On se relit, stupéfait. Le livre que l’on ne voulait pas écrire finit toujours par vous rattraper. Ca vient de biais par un personnage anodin qui dit des choses que l’on connaît très bien car l’écriture c’est aussi un combat souterrain.

Un matin on se dit que publier, c’est le désert des Tartares, on est devenu le héros inutile de son livre alors, vite il faut s’enfuir et retrouver la douceur du silence. Dans la solitude de l’écriture il y a la douceur d’être à soi dans le cocon de ses mots, l’enveloppement de sa syntaxe. Bientôt à nouveau il n’y a plus rien d’autre.

L’écriture ça me protège et m’édifie.

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L'oeil bleu et la conjonction Saturne-Jupiter

20 Décembre 2020, 16:55pm

Publié par Sybille de Bollardière

L'oeil bleu et la conjonction Saturne-JupiterL'oeil bleu et la conjonction Saturne-Jupiter

#ARIF (Alternative Reality Illustrated Fiction) Episode précédent : La chose

Cette chose étrange, je n’ai voulu ni la voir ni l’entendre. En reculant j’ai quitté les lieux, sans un regard pour la caravane dévastée, les livres et les meubles éparpillés ainsi que les nombreuses feuilles volant dans le jardin.

A pas lents, j’ai regagné la maison, vérifiant que je n’étais pas suivie, sursautant à chaque cri d’oiseau. Je me suis enfermée à double tour pour visualiser à nouveau l’écran de mon smartphone. Il y avait bien deux étranges lueurs dans l’ombre de la caravane, ou plus exactement une lueur bleue et un faisceau lumineux. Cette lumière ne venait pas du toit défoncé mais de l’ombre elle-même, de la chose... Elle avait bougé. Par inadvertance j’avais enclenché le mode de prise de vue en rafales et c’était perceptible, la lumière bleue et le rayon s’étaient déviés dans ma direction. Je les avais saisis dans leur mobilité et je revivais la scène en faisant défiler les clichés un à un. Il fallait prévenir quelqu’un, trouver de l’aide. Mais qui appeler ? Et pour dire quoi ? Ça ne ressemblait à rien de connu, ça pouvait aussi bien être une illusion d’optique, peut-être une superposition des clichés ou encore un court-circuit provoqué par la foudre ? Un effet d’éclairage…

J’ai commencé à me persuader que je n’avais rien vu. J’ai effacé la série de photos et le calme est revenu en moi comme s’il ne s’était rien passé. Ce que je ne voyais pas n’avait simplement pas eu lieu. Tout pouvait être comme avant, il suffisait d’ignorer l’événement, de l’effacer de ma mémoire. Question d’entraînement. Une banale journée de décembre, un peu grise et brumeuse mais tout à fait classique pour cette saison dans le Perche. Une journée de confinement ordinaire avec les occupations habituelles : petits travaux de bricolage suivis de quelques courses en fin de journée avant d’allumer le feu.

J’imaginais en haut du jardin, la caravane endormie le long de l’allée, son toît couvert d’aiguilles de pin et ses volets claquant au vent de décembre. Quand la nuit est tombée, je suis montée chercher du petit bois et quelques bûches et j’ai souri en apercevant découpée sur le ciel du soir, la cheminée de ma roulotte. Oui, tout paraissait comme avant, calme, sombre et désert. Me penchant pour remplir mon panier, j’ai remarqué une feuille de papier volant dans ma direction, puis une autre. J’ai allumé ma torche, il s’agissait de pages détachées d’un des livres de la caravane. En éclairant le sol à mes pieds, j’ai commencé à déceler ce que j’avais vu le matin même, les débris de branches avaient été soigneusement rangés le long de l’allée ainsi que les restes de la table et du tabouret. Plus aucun livre ne trainait dehors et les volets arrachés avaient eux-mêmes disparu. Laissant mon panier de bois devant le bûcher, je me suis avancée dans l’ombre jusqu’à la roulotte. Je pouvais distinguer derrière les vitres brisées, les rideaux tirés mais la brèche était toujours là, profonde et sombre comme un gouffre où soufflait le vent de la nuit, déserte et silencieuse. A ce moment-là, la lueur bleue s’est allumée. Un œil bleu dans le noir, immobile et paisible.

J’avais cessé d’avoir peur et je pensais à la conjonction de Jupiter et Saturne, à leur entrée imminente dans le Verseau le jour même du solstice d’hiver. L’œil bleu a cligné lentement, j’ai vu une paupière de métal irisé descendre et remonter plusieurs fois de suite avec la régularité d’un phare dans la nuit et j’ai entendu la voix :

- Ne t’inquiète pas, je vais tout remettre en ordre !

A suivre : Tombé du ciel

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La chose

14 Décembre 2020, 09:14am

Publié par Sybille de Bollardière

La chose

Le jour s’est levé, glauque, poisseux. Au loin, des nuages de brume s’accrochaient aux collines, enveloppaient la cime des arbres. Derrière les taillis, j’ai commencé à distinguer ma cabane ou plutôt ma roulotte immobile, mon havre d’écriture tout juste terminé. En m’avançant dans l’allée, j’ai remarqué des traces de feu sur les pommiers, et un peu plus loin, la terre labourée, comme emportée par une harde de sangliers. Rien d’étonnant, il avait tant plu ces derniers jours. Pourtant, la soirée de la veille avait été belle, glacée, lumineuse. Pierre-Elie mon fils, était rentré en me disant :

- Viens dans le jardin ! La nuit est magnifique et il se passe quelque chose …. Tu dois voir ça !

Ça n’avait rien d’étrange et pour certains, ce spectacle était même révoltant pour ne pas dire inquiétant. Dans la nuit lumineuse de la Saint Nicolas, un curieux train d’étoiles s’avançait semant le désordre parmi les constellations.

- Regarde ! ce sont les satellites d’Elon Musk ! Il parait qu’il y en a 80 et ce n’est que le début…

Le train de la démesure apparaissait à l’horizon et se dirigeait vers l’est avant de disparaître au-dessus de nos têtes, happé par des masses nuageuses. Sidérée par le spectacle, je suis restée le temps de compter une vingtaine de satellites avant de me diriger vers la maison transie de froid.

Quelles sortes de nuits aurons-nous l’été prochain ? Pourrons-nous encore rêver sous une voûte céleste criblée d’étoiles, chavirer sous une pluie de comètes dans une de ces nuits noires de fin d’été ? Une nuit profonde comme si le ciel nous aspirait à lui. Une nuit d’éternité…

Ce matin-là, je m’étais levée tôt, j’avançai dans l’allée en pensant à l’aménagement de ma roulotte, aux derniers détails indispensables : un poêle, un lit et bien entendu une connexion internet. La pluie avait cessé et la brume se levait. Après la pelouse retournée et quelques branches calcinées des pommiers traînant à terre, j’ai remarqué les livres répandus sur le sol, des planches, beaucoup de planches et ma table de jardin à laquelle il manquait deux pieds. Ça ne pouvait pas être les sangliers ! C’est à ce moment-là que j’ai levé les yeux vers la roulotte.

Elle avait été comme éventrée, la façade coupée en deux, le toit défoncé. Les volets fraîchement repeints, gisaient sur le sol ou pendaient sous les fenêtres dont tous les carreaux étaient brisés. Une puissante odeur de brulé et de poudre flottait. La foudre c’était probablement ça et pourtant je n’avais rien entendu et les orages sont plutôt rares en décembre.

Une sensation étrange me dissuada de m’approcher davantage. Il fallait appeler Pierre-Elie, qu’il vienne tout de suite mais avant, prendre quelques photos. Je sortis mon téléphone et au moment où je m’apprêtais à lui envoyer les premiers clichés, je remarquai sur l’un d’eux un détail… une chose inattendue… Je me ravisai et fis un pas en arrière puis deux, avant de m’immobiliser, tétanisée.

Oui, il y avait bien, tapie dans le trou noir de ma roulotte éventrée, quelque chose, et probablement une chose vivante…

A suivre… L'oeil bleu


 

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