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Sybille de Bollardière

chroniques

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Ecrivain confidentiel

14 Septembre 2022, 20:41pm

Publié par Sybille de Bollardière

Photo : Noordlarder bos, Zuidlaren le 12 septembre 2018

Article publié une première fois le 14 septembre 2018

« J’occupe seul, à l’instar d’un ermite, une maison blanche au cœur d’un bois où se mêlent arbres à feuilles caduques et conifères. » Contrairement à Jeroen Brouwers, l’écrivain néerlandais que je viens de citer, la maison que j’habite est rouge. C’est une cabane améliorée au cœur des bois dans la Drenthe au nord-est des Pays-Bas. Les conifères sont rares et le feuillage qui m’entoure au-delà de chaque fenêtre est d’un même vert uniforme un peu sombre à l’exception des clairières baignées de soleil.

Seule ou non, c’est en ermite que je m’installe à ma table, sur l’écran violet du livre à venir. Un nouveau roman dont le décor sera le nord des Pays-Bas. Comment sera-t-il publié celui-là ? La Passagère ? Ou un éditeur classique ? Je n’en sais rien et pour l’instant, ce n’est pas à l’ordre du jour. Que ce soit dans le monde de l’édition, dans ma vie ou dans celle du livre, tellement de choses peuvent changer d’ici la réalisation de ce projet. Aujourd’hui, pour L’amour en zone inondable comme précédemment pour Les mauvais sentiments, j’ai choisi de l’éditer moi-même.

Oui l’autoédition, car lorsque La Passagère – qui soit dit en passant édite aussi les textes d’un atelier d’écriture - s’occupe de mon cas, c’est bien de l’autoédition. Un travail artisanal qui n’est pas totalement solitaire, prend la suite de celui de l’écrivain ou de l’auteure. Pour cela, je m’adjoins l’aide de plusieurs lecteurs, d’une correctrice et d’un graphiste pour la couverture. La maquette, je m’en charge. Quant à l’impression, pour les petites quantités : le plus offrant et c’est le plus souvent Amazon ; éventuellement un imprimeur en France pour les libraires allergiques à la simple évocation du « monstre ». Certains continuent de penser que c’est Amazon qui détruit les libraires un à un. En revanche, peu se posent la question de ce que provoquent les retours des libraires - ces livres invendus, parfois des cartons entiers peu ou pas mis en rayon - qui partent au pilon, qui tuent un à un les petits éditeurs et poussent les grands à multiplier les sorties de livres. Pour moi, Amazon est avant tout un imprimeur intéressant, un distributeur avantageux pour l’auteur mais en aucun cas un « éditeur » de livres. Editer n’a rien avoir avec le fait d’imprimer ou de distribuer.

La Passagère est un éditeur « sans retour », chaque livre est acheté, payé, livré à défaut d’être lu. Pas de pilon, pas de gâchis. Je prends autant de plaisir « à faire mes livres » qu’à les écrire, autant de soin et de passion à chaque étape de leur fabrication et de leur distribution. Mais il faut l’avouer, la diffusion et la distribution, c’est bien là que le bât blesse. Que l’on soit auto édité, chez un petit éditeur ou même chez un grand, si l’on ne fait pas partie des poulains bichonnés par le service de presse, la plupart des auteurs sont condamnés à la confidentialité, dans le meilleur des cas quelques semaines « en rayon » avant de retourner dans les cartons.

Être un écrivain confidentiel n’est pas frustrant pour autant. Pour ma part, bien moins que ne l’a été mon expérience dans l’édition traditionnelle pour mes deux premiers romans. Quelle tristesse de constater que malgré une presse élogieuse, son livre n’est pas ou mal distribué… Ou bien qu’après trois semaines, en dépit d’un service de presse conséquent, il n’est plus présent qu’en seconde main sur Amazon ou Marketplace … « Revendu » et dans ce cas, rien pour l’auteur bien entendu. Pour la frustration, je ne parle pas des droits d’auteur ridicules pour ne pas dire insultants quand on sait qu’en échange de ces maigres subsides, on a vendu son livre, son titre, son histoire, ses mots et parfois deux ans, cinq ans de rêve et d’écriture, de travail et de sueur. Qui pense encore que c’est facile d’écrire un livre ?

Alors oui, l’autoédition pour rester maître de ses droits, de son livre, pour lui permettre de vivre plusieurs années et lui donner le temps d’être lu, par souci écologique également. La vraie gratification, la seule est toujours la même quelle que soit la maison d’édition : être connu de quelques libraires qui vous lisent, vous apprécient, offrir un plaisir de lecture à ses fidèles lecteurs et aux nouveaux, rencontrés grâce aux salons du livre ou aux blogs de lecteurs et lectrices.

La Passagère propose à tous les libraires des livres en dépôt pour deux mois, à tous les lecteurs qui le souhaitent, une livraison gratuite par lettre suivie. Il suffit de nous écrire... 

La Passagère

Lapassagere.edition@gmail.com

www.editionslapassagere.com

SIRET N° 824 668 172 00011

5, rue de la Vasinière - Saint Victor de Réno
61290 - Longny les villages

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Les vivants

31 Mars 2022, 14:47pm

Publié par Sybille de Bollardière

Où que j'aille la Bretagne me serre le cœur
Je n'y vais plus que de mémoire
Saisir le temps d'un cliché, cette mer aléatoire
Qui s'efface sous le ciel.
Ici au nord,
Une presqu'île offerte en souvenir 
A ce qui n'a pas eu lieu ou trop peu
Et pourtant dans la lumière d'ouest, tu es là
Inondé de vent et de soleil comme un gisant de pierre
De profil pour l'éternité. 
 
La mer furieuse remonte dans le bruissement du vent
Le bleu du monde encercle la presqu’île
Ensable notre langue
Les mots parcimonieux du discours amoureux
Quand tu me disais toi, le pilleur d’étoiles
Je t'aime à jamais.
 
La mer furieuse remonte dans le bruissement du vent.
J’écris en psalmodiant nos noms au soleil de mars
Et soudain, Il fait bon comme en été
Dans la chaudière des sentiments
Entre mes doigts, un couple de coquillage se défait
Face au silence, les bancs vides
Une vague s'avance, grise et tendre
Presque imperceptible
Avant qu’elle ne s'ourle de blanc
Une fois encore, je choisis les vivants.
A M.

 

 

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La route

31 Décembre 2021, 17:20pm

Publié par Sybille de Bollardière

 

Sur la vaste plaine, un ciel bas boursouflé de nuages et soudain, le miracle d'eau
Sous l'écorchure du couchant, des lambeaux de mauve et de bleu
Je me suis arrêtée dans l'écrin des roseaux pour un bain de lumière 
Et puis le ciel de décembre s'est ouvert, limpide, rempli d'absence 
J'ai repris ma route.

 

 

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Livre à venir, extrait

19 Novembre 2021, 08:00am

Publié par Sybille de Bollardière

 

La peur, le premier mot qui me vient quand je repense à ce jour de juillet 2015.  Anvers – Rotterdam, file de gauche sur l’autoroute de l’angoisse. Les pneus des camions à hauteur des yeux comme des broyeurs immobiles prêts à se déporter pour vous engloutir. On roule depuis des lustres, la malbouffe se balade dans nos tripes, deux sandwichs trop mous avalés au Subway de la banlieue de Lille. Poulet, oignons doux, moutarde, salade, tomates et pain noir, le tout arrosé de Coca zéro.  Le camion, son camion, un Traffic blanc malmené qui flirte avec les rails de sécurité, avale les kilomètres au son de Led Zeppelin. Sourde, aveugle, je n’entends que ma peur qui voudrait crier et se contente de maudire. Qu'est-ce que je fais là ? Sous l'épaisseur des nuages, mon histoire se décolle de moi comme une vieille peau. J'ai soixante-quatre ans, des kilos en trop, mais je fais encore illusion alors on continue ! C'est ma dernière bataille, je le sens, je ne veux pas la perdre et tant pis si celui qui conduit joue avec ma peur. 

Blouson de cuir, jean crasseux et cheveux en bataille, mon bad boy sexagénaire n'est pas en reste lui non plus. Avec un AVC, et quelques stents, ses artères sont des capricieuses qui menacent de se rompre au moindre cahot sentimental. Nous avançons dans nos vies réciproques à tâtons. Il ne prend aucune précaution sur cette route de malheur qu'il s'enfile depuis vingt ans. Vingt ans d'allers et retours entre La Frise et la Normandie pour échanger des toiles contre quelques frusques, une voiture contre des hypothèques. Il roule tête baissée, les yeux rivés vers ce mur opaque de pluie que la file des poids lourds soulève en gerbes. Depuis des heures, nous n'avons plus pour horizon que cet océan de bitume où son camion vrombit en remontant vers le Nord. A l'arrière, un matelas en mousse jeté à même le sol, ma valise, quelques cabas en guise de sacs de voyages, des vêtements épars, un bidon d'huile, des canettes de bière et des bouteilles d'eau qui roulent au gré des mouvements de l'habitacle. (...)

Nous avançons sous la haie des sentinelles rouges et blanches des éoliennes immobiles. Autrefois, comment était le paysage ici, quand nous roulions mes frères et moi vers Groningen dans les années 60 ? Non, ce n'était pas en voiture, mais en train... Peu de souvenirs, enfin, peut-être un compartiment gris et nous quatre en noir et blanc serrés les uns contre les autres sur la banquette en skaï surmontée des photographies du rail, des ponts enjambant des vallées, des précipices. Paysages sépia encadrés de métal sous les filets où nous rangions nos gourdes, quelques illustrés, nos imperméables. Même en été, nous emportions toujours un imperméable, des bottes, on ne sait jamais. Ma mémoire a fait le tri. Si nous sommes tous les quatre, ensemble sur les photos en noir et blanc, je suis seule dans mes souvenirs en technicolor.

Extrait (Livre à venir)

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